Pour que s'instaure un nouveau droit, il faut une situation exceptionnelle, par exemple une révolution ou une grève générale. Le droit à venir, encore inexistant, justifie au futur antérieur cette violence fondatrice. Sur le moment, la violence est terrifiante, ininterprétable, indéchiffrable; sa signification est indécidable. Les crimes, les souffrances, les tortures, les déportations ou génocides qui interrompent le droit établi n'ont pas de sens, ils sont suspendus au-dessus d'un vide ou d'un abîme. Tant que la loi est indéterminée, on ne peut la justifier qu'au nom d'une mystique. L'homme devant la loi tel qu'il est décrit par Kafka dans la nouvelle du même titre reste devant la porte, près du gardien, mais n'entre jamais. Je t'ordonne de ne pas venir jusqu'à moi lui dit la loi depuis ce lieu interdit, transcendant, qu'on ne peut ni voir ni toucher. Mais cette loi tellement inaccessible, c'est lui-même qui l'institue par un acte performatif - elle aussi ne dépend que de ce qui est devant elle.

Le sujet n'est pas plus présent à la loi que la loi n'est présente au sujet : tout se passe en après-coup. Il en est des révolutions réussies comme des actes de langage "réussis" (ou pas) : aucun critère ne permet de les prévoir à l'avance. On ne pourra leur donner du sens, les lire qu'à partir de la légitimité (ou de la souveraineté) qui se sera instaurée [si elle s'instaure].

Histoire de la révolution française (Daniel Urrabita Ortiz y Vierge, 1883-87). Ayant abattu un cavalier à Versailles, ils tuèrent et mangèrent son cheval quasiment cru.