C'est un film sur la défaillance dans ce qu'elle a de plus général et de plus commun, de plus partagé, tellement partagé, tellement général, tellement commun, qu'on peut l'exprimer par des phrases découpées dans les chansons les plus courantes.

Ce par quoi on aime quelqu'un est à la fois ce qu'il a de plus singulier et de plus banal. Ce qu'on se refuse à avouer (ses échecs professionnels, ses défauts, ses insatisfactions) est justement ce qu'on adore, même si on le rencontre à chaque coin de rue. Un homme pleure, il est "mignon", et alors la femme l'aime. S'il n'avait pas pleuré, elle n'y aurait pas prêté attention. Et cela, si fréquent, si usuel, Resnais l'exprime par des voix empruntées, des voix partagées par tous mais pourtant ô combien singulières. Ma propre voix, déjà exprimée, déjà séparée de moi sous la forme de la voix du chanteur, me revient pour me dire ma vérité, cette vérité tellement plus attachante que le personnage de composition derrière lequel je me cache.

Cette chanson-là, que je me refuse à avouer (car elle est ma petite chanson interne), est déjà connue, reconnue, diffusée par la plus banale chanson de rue. Le plus intime rejoint le plus courant, le plus singulier rejoint le plus rabâché, le plus dissimulé rejoint le plus visible (ou audible).