Derrida
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Les collectes de l'Orloeuvre
   
     
Une tâche : la révolte                     Une tâche : la révolte
Sources (*) :              
Albert Camus - "L'homme révolté", Ed : Pléiade, 1951, p450, 457

 

Hommage a Sade (M. Ray, 1916) -

Sade, qui ne pouvait accepter la moindre limite à la liberté, a finalement exalté les sociétés totalitaires; avec lui commencent l'histoire et la tragédie contemporaines

   
   
   
                 
                       

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De toutes les révoltes du 18ème siècle, celle de Sade est la plus extrême. Traité de façon atroce par la société, qui lui a infligé 27 ans de prison, il a réagi par une théorie de la révolte absolue qui est aussi une morale de la domination. Il n'y a pas de limite à son rêve monstrueux et prophétique. Dieu, pour lui, est un criminel qui nie l'homme, auquel on ne peut répondre que par la même négation. S'il nie Dieu, c'est au nom de l'instinct le plus puissant, l'instinct sexuel qui exige la possession totale des êtres, même au prix de leur destruction. La liberté qu'il exige n'est pas politique, c'est celle de l'énergie démesurée du désir (le libertinage), pour lequel n'existe qu'une seule sorte d'égalité : celle des victimes. Sa liberté est celle du crime passionnel, incompatible avec la vertu. S'il s'est prononcé contre la peine de mort, c'est à cause de sa limitation par la loi. Français, encore un effort pour être républicains veut dire : il faut aller plus loin que le meurtre légal, vers la loi du crime universel dans un monde sans autres règles que celles qu'impose la volonté de puissance, un monde où les initiés ont tous les droits, et la caste des esclaves n'en a aucun. Sa révolte extrême aboutit à l'asservissement de presque tous, à la réduction des personnes en objets d'expérience, à une société idéale basée sur une comptabilité sordide, une jouissance désespérée. Le meurtre de tous ne peut, au final, déboucher que sur un suicide collectif.

 

 

Le mérite du marquis de Sade, qui n'a tué qu'en imagination, est d'avoir tiré les conséquences extrêmes d'une logique de la révolte métaphysique. Son cynisme est une volonté d'apocalypse. Il a compris que la revendication d'une liberté totale ne pouvait conduire qu'à une déshumanisation radicale. Il aurait voulu que le crime ne soit que "le fruit exceptionnel et délicieux du vice déchaîné" (p457), et finalement c'est ce qu'il haïssait le plus, le meurtre légal, qui a été mis en oeuvre par la plus morne des polices.

 


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