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TABLE des MATIERES : |
NIVEAUX DE SENS : | ||||||||||||||||
Derrida, envois, destinations | Derrida, envois, destinations | ||||||||||||||||
Sources (*) : | La pensée derridienne : ce qui s'en restitue | La pensée derridienne : ce qui s'en restitue | |||||||||||||||
Pierre Delain - "Les mots de Jacques Derrida", Ed : Guilgal, 2004-2017, Page créée le 14 août 2013 | Orlolivre : comment ne pas parler? | [Derrida, envois, destinations] |
Orlolivre : comment ne pas parler? | Autres renvois : | |||||||||||||
Derrida, la lettre |
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Derrida, la dissémination |
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Derrida, l'adresse |
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1. On la manque, on la perd, on l'oublie. Dans sa contribution personnelle, présentée le 30 septembre 1982 à Jean-Pierre Chevènement dans le cadre de la mission qu'il était chargé de coordonner pour la fondation d'un Collège International de Philosophie, Jacques Derrida choisit de faire converger toutes ses propositions vers un mot qu'il écrit en lettres capitales, DESTINATIONS. Ce mot qui peut être pris pour un thème ou une catégorie est plutôt selon lui un schème, un levier stratégique dans le cadre institutionnel de la constitution et de la mise en route (l'"envoi") du Collège. Ce n'est pas un mot simple, il pose question, il fait arriver quelque chose à la question "Qu'est-ce que?". La problématique de l'envoi, du renvoi, de la marque, du reste, de la restance, de la destinée, de la destination ou de la destinerrance est essentielle, "incontournable", dans la pensée derridienne - car étroitement liée à sa théorie de l'écriture. Elle est double : - D'un côté, tout texte est destiné à partir en cendres, en fumée. Dès son émission, il se détache de son expéditeur, s'éloigne de la certitude d'un sens et d'une vérité. On peut éventuellement le rattacher à une date, un auteur, mais la destinée de cette date est de s'effacer, elle aussi. L'événement qui a donné lieu à la lettre est oublié. Elle n'a plus de trajet propre - et même sa langue, sa syntaxe, lui échappent. Par structure, elle manque à sa destination - c'est ce que Derrida appelle la structure d'itérabilité de la langue, qui contamine toute parole et toute écriture. Comme la chaussure de Van Gogh, la lettre se dérobe, elle n'est jamais à l'abri de la perte. C'est son destin, sa destinée, sa destinerrance, son adestinerrance. - D'un autre côté, avant même toute possibilité d'identification à soi et d'autonomie du sujet, une instance donatrice engage, acquiesce, interroge. C'est le lieu [celui qui fait don du langage, avant l'individualisation de l'auteur] d'une singularité, d'un "qui", d'une signature, d'une promesse et d'une responsabilité. Chaque texte raconte une histoire de don dans laquelle cette instance devra, fatalement, être oubliée (c'est la définition même de la mort : un arrêt sans contrepartie). Elle restera encryptée, silencieuse, secrète, indéchiffrable. A la place du destinataire [d'origine] en viendra un autre [le lecteur effectif du texte ou de la lettre]. D'une part, ce dernier devra demander pardon à l'instance donatrice pour cette substitution, ce parjure, cette lecture par laquelle il trahit la singularité [du destinataire d'origine, à qui le texte était adressé]. D'autre part, il assurera la survie du texte, de la lettre ou de l'oeuvre par une opération qui n'est ni une reproduction, ni une réception, mais une traduction.
2. On ne la restaure pas. L'historien qui considère un document, une archive, le spectralise. Le document est comme un fantôme qui lui parle, qui s'adresse à lui. L'effet d'archive, c'est qu'il lui faut croire ce fantôme qui devient son interlocuteur, son destinataire virtuel. On ne sait plus qui parle et qui écrit, qui adresse quoi à qui. Sans cette errance du fondement, il n'y aurait ni histoire, ni philosophie. Quand la police des destinations se détraque, multipliant les voix et les tons, quand chaque parole s'ouvre à la hantise de l'autre, quand il n'y a plus ni énonciateur ni destinataire identifié, alors plus aucune censure ne tient. Le texte, la lettre, l'archive ou l'oeuvre deviennent le support d'une prière sans contenu, d'une messianicité indéfinie. Cette absence de savoir et de certitude, Jacques ou "Jacob" Derrida la rapproche d'autres scènes qui dérivent de la scène d'écriture : le marrane, l'apocalypse.
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-------------- Propositions -------------- -Penser la destination, aux confins de la philosophie, des sciences et des arts, telle est la question la plus incontournable, le levier le plus stratégique -Dans la structure de la marque, la possibilité de l'absence du récepteur est toujours inscrite - elle contamine toute parole et toute écriture -La lettre est restante : elle n'a pas de trajet propre et peut toujours manquer à sa destination -La structure restante de la lettre, c'est que sans la menace de ne pas arriver à destination, son circuit n'aurait même pas commencé -Dans la césure décisive de l'écrit, sa destinerrance, se joue la pensée et l'expérience du voyage -Il appartient à la structure d'une oeuvre de n'arriver pas toujours à destination : nul ne peut s'ajuster à sa pointure, pas plus qu'à celle des "Souliers" de Van Gogh -La date partage avec le nom sa destinée de cendre : elle efface cela même qu'elle désigne -La lettre est toujours volée : elle fait trou car elle n'est jamais propre à son auteur ni à son destinataire -Un texte est destiné à partir en cendre ou en fumée, il raconte une histoire de don, de dissémination absolue, qui lui fait déborder son cadre -La mort est cette fatalité par laquelle un don est destiné à ne pas revenir à l'instance donatrice -Il est toujours possible qu'une lettre n'arrive pas à destination; et si l'autre ne contresigne pas l'envoi, il y a possibilité de parjure ou de trahison -Toute oeuvre ou écriture est un crime, un parjure - car, pour être lisible, elle perd le secret, trahit la singularité du destinataire -La traduction n'est ni une réception, ni une communication, ni une reproduction d'un texte dans une autre langue : c'est une opération destinée à assurer sa survie comme oeuvre -Effet d'archive : l'objet d'étude devient le sujet spectral, le destinataire ou l'interlocuteur virtuel de l'historien -Rien ne serait arrivé à la philosophie sans l'errance de ce nom, si son sens ou sa référence originels avaient été garantis -La structure de la scène apocalyptique est aussi celle de la scène d'écriture en général : de renvoi en renvoi, on ne sait plus qui parle ou qui écrit, qui adresse quoi à qui -Le discours apocalyptique détraque la police des destinations, il défie la recevabilité établie des messages -Marrane égaré en des lieux désertés par Dieu, où il n'y a plus personne, sans savoir ni certitude, Jacques ou "Jacob" Derrida hérite de prières sans destination assurée |
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Création
: Guilgal |
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Idixa
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Derrida DerridaDestination AA.BBB DerridaCheminementsZZ.DE.STI MatriceInaveuKE.LKE AJ_DerridaDestination Rang = zQuoisDerridaDestinatGenre = - |
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