Derrida
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de Jacques Derrida

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Derrida, la poésie                     Derrida, la poésie
Sources (*) : Derrida, l'art, l'oeuvre               Derrida, l'art, l'oeuvre
Jacques Derrida - "Béliers. Le dialogue ininterrompu : entre deux infinis, le poème", Ed : Galilée, 2003, p67

 

Le poete (Picas so, 1904) -

Derrida, la trace

La "trace à l'oeuvre", ou la "trace comme oeuvre" : telle est la loi du poème qui entraîne toujours vers une toute autre lecture, une contre-lecture

Derrida, la trace
   
   
   
CinéAnalyse : en laissant oeuvrer la trace CinéAnalyse : en laissant oeuvrer la trace
Porter, par œuvrance, le monde de l'autre               Porter, par œuvrance, le monde de l'autre  
                       

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Faisant allusion aux nombreuses hypothèses qu'on peut avancer pour interpréter une seule ligne d'un poème, Jacques Derrida écrit :

"L'abandon de la trace laissée, c'est aussi le don du poème à tous les lecteurs et contre-signataires qui, toujours sous sa loi, celle de la trace à l'oeuvre, de la trace comme oeuvre, entraîneront ou se laisseront entraîner vers une tout autre lecture ou contre-lecture. Celle-ci sera aussi, d'une langue à l'autre parfois, dans le risque abyssal de la traduction, une incommensurable écriture" (Béliers, pp66-67) [Les italiques sont de Derrida].

Comment interpréter, par exemple, le bélier mentionné par Paul Celan dans la strophe du poème Grande voûte incandescente traduite ainsi par Jean-Pierre Lefevbre : "Au front caillou d'un bélier je marque au feu cette image, entre les cornes, dedans ..."? Les lectures sont innombrables, aussi nombreuses que la semence promise par Yhvh à Abraham. Cette multiplication est la loi du poème, qu'on peut formuler de la façon suivante : Dans l'oeuvre, ce qui est à l'oeuvre est une trace. La trace donnée, laissée, abandonnée, n'opère ni selon l'intention de l'auteur, ni selon la signification des mots dans son univers ou son monde, car l'auteur ne peut plus témoigner, il est absent et son monde a définitivement disparu. Pour le lecteur ou le destinataire, la trace est "sans monde". Si elle opère, c'est comme un reste, par réitération, sans rien décider. C'est un "subjectum" au sens étymologique du latin : ce qui est dessous, disponible mais excédant l'horizon subjectif de l'interprète. La trace garde une initiative souveraine, imprévisible. Elle erre d'un référent à l'autre, mais elle provoque, elle appelle, elle ordonne, elle exige une lecture responsable sans en livrer les clefs.

 

 

Comment ce poème qui parle, qui dit "je", cette trace apparemment inerte qui se produit en se désignant elle-même, peut-elle réinventer ce dont elle hérite, saluer l'autre, multiplier ses semences? Le tout autre, qui est inaccessible en elle, se dit depuis la crypte où il est scellé. Il survit en se confiant à la garde d'un autre, qui devra lui-même, traduire (parfois dans une autre langue), signer et contresigner, pour que, comme dit (à peu près) Derrida, la trace soit à l'oeuvre comme oeuvre.

 


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