Le 4 juillet 1776, 56 représentants du Congrès américain ("representatives of the United States of America in General Congress assembled"), désignés par 13 Etats (ou colonies) différent(e)s, signent une Déclaration d'indépendance. Cette Déclaration a un auteur, Thomas Jefferson, qui est aussi l'un des 56 représentants.

Qui s'engage par cet acte? demande Jacques Derrida. Qui le signe, de quel nom propre? Ces représentants ne sont que des délégués, ce sont eux qui signent mais ils le font au nom du peuple ("in the name and by authority of the good people of these that as free and indenpendant States..."), ce qui déplace la question. Qui est le peuple? Quel peuple? Celui qui était représenté au moment où l'institution a été fondée, ou bien ceux qui en font partie au moment où l'on commémore l'acte fondateur (200 ans plus tard)?

Entre l'acte accompli et la signature, il y a un lien qui ne peut pas être brisé. Si elle perdure, l'institution sera indépendante des individus qui l'ont constituée : elle fera son deuil de ces personnes. Mais dans l'archive, la signature sera gardée. "L'acte fondateur d'une institution, l'acte comme archive aussi bien que l'acte comme performance doit garder en lui la signature". Mais, encore une fois, quelle signature? Avant la Déclaration, le peuple n'existe pas comme tel. Il ne nait comme sujet libre et indépendant que par l'acte de cette signature. Pour s'autoriser à signer, il aura fallu, rétroactivement, qu'il se soit institué en tant que peuple. Comme une fiction ou une fable, le peuple ne s'est inventé qu'en inventant le récit de son invention - le performatif se confond avec le constatif.

L'"original" de la Déclaration d'Indépendance des Etats-Unis signée le 4 juillet 1776, dans son état actuel, c'est-à-dire presque effacée.

Qui est engagé par cette signature et qui ne l'est pas?