En Occident, il y a peu de penseurs qui se soient intéressés à la vie, à la philosophie ou à la philosophie de la vie en leur propre nom. Avec Freud ou Kierkegaard, Nietzsche fait figure d'exception. Il s'est mis en jeu avec son nom, en son nom, et même ses noms (masques, pseudonymes, noms pluriels). Faisant de son œuvre "un immense paraphe biographique", il n'a jamais présenté son texte comme une pédagogie éternelle, mais toujours comme une parole, un écrit qu'il signait de son nom. Il a pris des risques de son vivant, et encore plus après sa mort, comme en témoigne l'usage qui a été fait de son nom pendant la période nazie, "le pire de notre temps", comme s'exprime Derrida (p44).

Mais comme toujours, ce qui engage son nom n'est pas revenu à lui, porteur du nom, mais à son nom. Ce qui a été légué à son nom a pu se transformer en legs empoisonné. Telle est la règle : un nom est toujours un nom de mort. Entre ce que dit le vivant, le plaisir qu'il éprouve et qu'il transmet, et ce qui est reçu en son nom, il y a l'écart, incalculable, de "la vie la mort".