Alors que la violence à l'égard des animaux atteint des proportions sans précédent, alors que les rapports de l'humain avec le biologique, l'anthropologique, la vie et la mort, connaissent une mutation inouïe, les problématiques à l'égard de la vie dite "animale" évoluent. Déjà Jeremy Bentham, en 1789, s'interrogeait : "La question n'est pas : "Peuvent-ils raisonner ?", ni "Peuvent-ils parler ?", mais "Peuvent-ils souffrir ?" disait-il. Il ne s'agissait plus de tracer une limite entre l'humain et l'animal, mais de se demander ce qu'ils partagent. L'expérience de la pitié, de la compassion, prenait le pas sur le privilège du logos. En appeler aux droits de l'animal, c'est poser les questions en termes de responsabilité et d'obligation plutôt qu'en termes de pouvoirs et ou d'avoirs (le pouvoir de raisonner, de donner, d'inhumer, de s'habiller, de travailler, d'inventer, etc.), en termes de passivité (de pathos), de vulnérabilité, d'impouvoir, plutôt que de cogito.

On peut témoigner d'une souffrance, d'une angoisse, d'une peur ou d'une finitude partagée avec les animaux. On ne peut pas douter de la pitié ou de la compassion que nous ressentons. Leur souffrance est indéniable. Elle vient d'avant le mot, avant le concept, avant même les fondements de notre tradition qui pourrait, sur ce plan, s'inverser.