1. D'une part, pour instituer la figure humaine du souverain (celle qui exclut Dieu et la bête), on doit poser des principes, des conventions, des contrats, une loi, un concept légitime d'Etat-Nation, en se référant à un supposé "propre de l'homme", lequel est en même temps délimité et circonscrit;

2. Mais d'autre part, chaque fois qu'au nom de l'universalité des droits de l'homme on questionne la souveraineté nationale, chaque fois qu'on évoque des concepts plus récents, plus modernes, comme le crime contre l'humanité ou l'abolition de la peine de mort, on le fait aussi au nom d'un propre de l'homme, supposé lui aussi mais différent, un autre propre de l'homme.

Cela conduit Derrida à évoquer la possibilité d'une autre souveraineté, une souveraineté qu'on ne pourrait pas définir à l'avance, qui serait à venir. Cette souveraineté-là, au-delà de la nation, serait celle de l'homme lui-même (ipse, ipsissimus). On ne pourrait y accéder qu'à partir de ce qui arrive, aujourd'hui, dans le monde, par une déconstruction "lente et différenciée" de "la" souveraineté classique, celle de l'Etat-Nation, et aussi de toutes les formes différentes, voire antagonistes, de souveraineté.