Jacques Derrida propose un principe d'éthique qui ne se limite pas à l'humanisme classique fondé sur la dignité de l'homme, du semblable. Le crime, la cruauté, le racisme, ne sont interdits qu'à l'égard des humains. Il faut réveiller une autre éthique, une éthique qui s'adresse aux vivants dont la dignité n'est pas reconnue : les vivants non humains, ceux qui sont déjà morts ou pas encore nés, ceux qu'on appelle les animaux ou même les monstres. Une telle éthique pense au-delà de la loi, du droit établi. Elle ne se limite pas aux législations qui, dans certains pays, interdisent certains types de violence ou de torture à l'égard des animaux. Les "déclarations universelles des droits des animaux" qui ont été proposées ne font que reprendre les droits de l'homme, selon une logique de compassion qui repose encore sur la philosophie traditionnelle du sujet. Présupposer chez l'animal une subjectivité analogue à celle de l'homme, c'est aussi le dénier dans sa singularité, le méconnaître. Or c'est justement à l'égard du dissemblable, du méconnaissable, que la question de l'éthique se pose.