Dans Subversion du sujet et dialectique du désir dans l'inconscient freudien, Lacan avance la thèse selon laquelle l'animal est capable de traquer, flairer, pister, dépister (suivre une piste) et même de suggérer, mais il est incapable de dépister le dépistage (égarer volontairement le suiveur en effaçant une piste). Il peut tracer, mais il est incapable d'effacer ses traces. Seul l'homme (selon Lacan) peut feindre de feindre ou anéantir ses traces.

Mais il est étrange que cette affirmation soit proférée par un psychanalyste. Certes un sujet peut vouloir effacer des traces. Mais peut-il être sûr de n'avoir laissé aucune trace de cet effacement? Peut-il être sûr qu'un symptôme (social, politique, inconscient) ne surgira pas, qu'une trace de trace ne fera pas retour? Le moi conscient a-t-il vraiment le pouvoir d'effacer toute trace? D'un côté, aucune trace n'est ineffaçable, toute trace peut disparaître, être détruite. Mais d'un autre côté, aucun sujet, aucun maître ou souverain, aucune volonté consciente ne détient le pouvoir d'effacer radicalement une trace. Nul ne peut garantir avec une assurance absolue qu'une trace a été effacée. Ainsi apparaît la fragilité de la frontière que Lacan tente d'établir entre l'homme et l'animal.