Pour dire le droit du plus fort, il suffit au souverain d'énoncer son nom. Je suis qui je suis dit-il. Il s'autodésigne, se réfère lui-même à son titre, sa force, son ipséité - et il est le seul à procéder ainsi. Il dit ce qu'il fait, il fait ce qu'il dit, il ne lui faut pas d'autre justification. S'il en appelle à la raison, c'est seulement celle du plus fort, du plus grand, du plus éminent, du plus majestueux, du plus phallique. Il n'a à s'autoriser que de l'arbitraire du nom qu'il profère, du performatif même. C'est que je m'appelle lion : A cela il n'y a rien à dire dit le lion dans une fable de La Fontaine (La génisse, la chèvre et la brebis en société avec le lion). Le souverain émet la loi, il la produit, il la performe lui-même. Tout ce qu'il a le courage de prendre et de faire, il peut le faire. Il lui suffit de dire, de menacer et il peut posséder, soumettre, assujettir, violer les droits de ses sujets.

Jacques Derrida appelle cela un performatif absolu. Pourquoi absolu? Il ne doit respecter aucune règle préétablie, aucune formulation préexistante autre que celle qu'il énonce. Seul le souverain, celui qui détient le supplément absolu, toujours érigé, inflexible et tout-puissant, celui dont la puissance phallique excède toute limite, seul celui-là peut prétendre au performatif absolu.