Pour que le pouvoir absolu du souverain soit reconnu, il faut qu'il soit mis en spectacle, théâtralisé, représenté dans des cérémonies (au double sens du génitif "représentation du roi" : d'une part la représentation qui est donnée de lui, d'autre part celle qu'il donne lui-même, qu'il organise, qu'il présente). Il faut que le spectateur ait l'impression, l'illusion que le récit ou le tableau qui dépeint la puissance du souverain soit lié à la puissance souveraine elle-même.

L'energeia, c'est l'énergie divine, l'efficacité de l'acte.

L'enargeia, c'est la capacité d'un orateur à susciter l'imagination de l'auditeur, du lecteur ou du spectateur.

Pour faire croire en la puissance du souverain, il faut l'une et l'autre, le rayonnement du pouvoir et l'éclat de l'évidence. En produisant lui-même l'histoire qu'on lui raconte, le spectateur donne à cette fable, ce simulacre, cette mystification, le poids de la (vraie) souveraineté. Avec la décapitation du roi Louis XIV, c'est lui (le spectateur de l'époque) qui a tendu le piège dans lequel il est tombé : la fiction d'une souveraineté de la nation ou du peuple, qui n'est autre que le transfert de la souveraineté royale.