Jacques Derrida se demande si une éthique nous oblige seulement à l'égard du semblable, du prochain, ou si l'obligation s'étend à l'égard de quiconque, de n'importe qui, qu'il soit humain, animal, chimère, monstre ou autre? Si je laisse à l'autre la priorité, comme D.H. Lawrence à l'égard du serpent dans son poème, je m'assujettis à lui, je le reconnais comme souverain (à ma place). Je ne conteste pas la souveraineté en tant que telle.

Pour Lévinas, le commandement le plus important n'est pas le premier, c'est le sixième (Tu ne tueras point). A quel moment apparaît-il? Selon Freud dans Totem et Tabou, ce sont les frères qui, saisis par le remords, instaurent cette loi après le meurtre du père. Mais la position de Freud est contradictoire, car si cette loi n'existait pas avant ce meurtre, pourquoi les frères se sont-ils sentis coupables? D'où vient ce remords qui les conduit à interdire d'autres meurtres, à instaurer la fraternité? Ce qui apparaît après-coup, selon Derrida, c'est la formalisation de l'éthique comme telle (la loi morale), mais l'événement par lequel la loi arrive, celui qui inaugure l'interdit, cet événement est impossible à raconter.

Il y a deux temps :

- un temps où la loi est virtuelle mais déjà là (toujours déjà),

- un temps d'épiphanie, d'actualisation, où la loi morale comme telle apparaît, avec le remords, la mauvaise conscience, l'expiation.