En révélant publiquement ses fautes sur le mode des Confessions de Saint Augustin ou de Jean-Jacques Rousseau, on peut espérer s'innocenter, s'excuser par autojustification. Mais l'acte d'écrire, le fait de mettre en oeuvre l'aveu, est une répétition de cette faute, du plaisir qu'on peut avoir à en parler, à la raconter. En cherchant à l'effacer, à avoir le dernier mot, on la répète. Au coeur de l'aveu, on contredit l'aveu. On entretient une culpabilité sans fond. L'aveu est aussi coupable que la faute qu'il s'agit d'avouer. Un aveu ne met pas fin au remords. Il ne garantit ni le pardon, ni le verdict. La faute est ineffaçable, inexonérable.

Lorsqu'on exige de quelqu'un un aveu, on partage ce plaisir jubilatoire. On inflige une souffrance, on fait souffrir, on laisse souffrir. On jouit de la cruauté à extorquer un aveu. C'est une machine implacable, une loi répétitive. D'avance, sont inscrits la répétition du remords et le plaisir à répéter ou faire répéter la faute. C'est ainsi qu'opère ce que Jacques Derrida appelle l'oeuvre d'écriture-machine. Comme dit Paul de Man, une machine textuelle fait appel à l'automaticité d'un corpus, d'un corps (cf les marionnettes de Valéry, Kleist ou Büchner).