Cicéron distingue entre deux amitiés, la "vraie et parfaite", et la "vulgaire et médiocre". La "vraie et parfaite" est associée au petit nombre. Un ami doit être choisi parmi ceux qui sont proches de soi, auprès de soi. Déjà Aristote préférait parler des amis plutôt que de l'amitié. On ne peut pas être ami d'un trop grand nombre (d'une foule). Il faut préférer certains amis, vivre avec chacun, effectivement, activement, prendre le temps qu'il faut pour le mettre à l'épreuve. Vivre avec un ami, c'est vivre avec un seul d'entre eux (si possible le meilleur), c'est faire confiance en sa singularité, c'est renouveler chaque fois l'événement de sa rencontre.

Apostropher l'ami, c'est prendre à témoin l'irremplaçable.

L'amitié, si difficilement quantifiable, n'est pas intrinsèquement politique. C'est un choix oligarchique, oligophilique, incompatible avec le calcul démocratique des majorités. Comment articuler cette double loi, d'un côté la nécessité de compter ses amis et de l'autre les valeurs d'égalité, d'équité, avec les modèles politiques qui reposent sur des logiques d'universalisation?