Dans son livre Le concept du politique (1932), Carl Schmitt cherche à définir un concept purement politique du politique (le politique comme tel), sans recourir à aucun autre champ ni aucun autre type de savoir. Mais pour cela, il faut qu'il reste proche des mots de la langue et du concret. Pour compter sur l'opposition ami/ennemi comme source unique du politique, une opposition pure, pour pouvoir calculer avec elle, il faut polémiquer sur l'histoire, sur l'usage des mots. Il faut accepter une certaine contamination par l'impureté de la langue. En insistant sur le concret, sur la nécessité d'identifier pratiquement, effectivement, qui est l'ennemi, Schmitt reconnaît le caractère spectral du concept. Le concept du politique est hanté par les enjeux concrets de la politique, par les exemples, les faits, les contenus historiques qui peuvent donner lieu à une connaissance. Il n'y a pas de pur discours théorique (constatif), il est toujours affecté par la polémique (performatif).

Schmitt se veut à la fois scientifique et concret, ce qui l'oblige à une constante dénégation. Il affirme la nécessité d'une formalisation absolue, en se servant des mots de la langue courante. Son concept de politique ne peut être soutenu que virtuellement, par un "peut-être", un dire téléiopoétique.

Vieil homme dans les ruines de Berlin (1945).