"Qu'est-ce qui se dit, s'écrit, advient avec oui?" demande Derrida. Ce mot énigmatique, qui n'a pas de statut grammatical clair, relève peut-être moins d'une linguistique que d'une pragmatique. Il y a un phénomène du "oui", parlé ou écrit. Dès qu'il y a du langage, dès qu'il y a un verbe, il est impliqué. Oui, ce que je dis, ça a bien lieu. Il ne décrit rien, mais vient ineffaçablement en supplément, comme adverbe "transcendantal", dit Derrida. Dans tout constat, un performatif est impliqué : "Oui, je constate".

Avant de vouloir dire, avant de signifier, avant de dire "je", avant tout dialogue ou interlocution, avant tout moi conscient (et même inconscient dit Derrida), avant même que le sujet ne se situe dans la différence des sexes, un oui primordial, primaire, un "oui" marque qu'il y a de l'autre et qu'il y a de l'adresse à l'autre. Avant l'apparition du temps (de toute temporalité), une demande de dire "oui" aura été adressée, un "oui" aura répondu à l'autre, un "oui" qui n'aura rien demandé d'autre qu'un autre "oui". Tout commence par le redoublement du "oui" : un "oui" qui commence par répondre au "oui" de l'autre. "Oui oui", par cette promesse ou acceptation, la position du "je" est ouverte.