Derrida
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de Jacques Derrida

Un seul mot - ou un syntagme.

         
   
Derrida, la vie, la survie                     Derrida, la vie, la survie
Sources (*) : Derrida : "la vie la mort" vs "ma vie ma mort"               Derrida : "la vie la mort" vs "ma vie ma mort"
Jacques Derrida - "Otobiographies, L'enseignement de Nietzsche et la politique du nom propre", Ed : Galilée, 1984, pp55-59

 

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Sur l'"autobiographie", alliance entre vie et mort

Le récit autobiographique de "ma vie" ne tient en place que par le retour de l'alliance, le "oui, oui" donné au don de la vie en un lieu qui n'a pas lieu, sur une bordure disparaissante

Sur l'"autobiographie", alliance entre vie et mort
   
   
   
Une signature à entendre au bord du corpus Une signature à entendre au bord du corpus
Derrida, Nietzsche               Derrida, Nietzsche  
Derrida, l'alliance                     Derrida, l'alliance    

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Le 15 octobre 1888, jour de son 44ème anniversaire, Nietzsche prend la décision de "raconter sa propre vie". Il lui faudra trois semaines pour écrire ce texte, dont le titre est fixé dès le 30 octobre : Ecce Homo. Ou comment on devient ce qu'on est. Le 6 novembre, il annonce à son éditeur Naumann : "Ces dernières semaines, j'ai eu les plus heureuses inspirations, grâce à un incomparable bien-être, unique jusqu'à présent dans ma vie, grâce également à un merveilleux automne et aux prévenances les plus délicates que j'ai rencontrées à Turin. C'est ainsi que je suis venu à bout, entre le 15 octobre et le 4 novembre d'une tâche d'une extrême difficulté - celle de me raconter, moi-même, mes livres, mes opinions, et, fragmentairement, dans la mesure où cela s'imposait, ma vie. Je crois que cela sera entendu, peut-être même trop... Et tout serait alors pour le mieux" (Nietzsche O.C. tome VIII, p520).

Dans sa version publiée, Ecce Homo est introduit deux fois par Nietzsche : une préface (ou avant-propos dans les O.C., ibid p239) (voir ici), et un court texte écrit sur feuille volante que Derrida nomme l'exergue. Le voici : "En ce jour de perfection, où tout vient à maturité et où la grappe n'est pas seule à dorer, un rayon de soleil vient de tomber sur ma vie : j'ai regardé derrière moi, j'ai regardé loin devant moi : jamais je n'ai vu, à la fois tant de choses, et si bonnes... Ce n'est pas en vain qu'aujourd'hui j'ai enterré ma quarante-quatrième année : je pouvais à bon droit l'enterrer - ce qui, en elle était vie est maintenant sauvé, impérissable. L'Inversion de toutes les valeurs - les Dithyrambes de Dionysos, et, pour mon délassement, le Crépuscule des Idoles, [et ma tentative de philosopher à coups de marteau, passage supprimé par Peter Gast, cf p519] : tout cela, des présents de cette année, et même de son dernier trimestre ! Comment pourrais-je ne pas en éprouver de gratitude envers ma vie tout entière ? - Et c'est pourquoi je me conte ici ma vie..." (ibid p244).

Jacques Derrida analyse cet exergue à partir de la thématique de l'anneau, de l'alliance.

 

 

Dans l'exergue, cette feuille volante entre l'avant-propos et le texte principal, Nietzsche se raconte sa vie, il se conte pour lui-même sa vie à une certaine date (aujourd'hui), le jour de ses 44 ans. "Ma vie", il la conte d'un seul coup, à midi, au soleil, dans un contexte privilégié qui n'est pas celui où il écrit. Il a philosophé à coups de marteau, écrit-il [un passage qui ne sera pas conservé dans la version publiée des Oeuvres Complètes], mais maintenant il doit enterrer ses 44 ans. C'est ce qu'il nomme ma vie qu'il enterre, justement, en la racontant. En citant ses œuvres écrites, il appose définitivement sa signature. Cet enterrement est ce qui rassemble, ajointe et fait tenir en place ce présent, ce don que lui a fait la vie. Seul destinataire de la narration, le signataire scelle l'autobiographie (LODLA p108). Mais le vivant et le signataire ne sont pas le même. Il y a dédoublement du nom de Nietzsche. D'un côté, ma vie se raconte, et d'un autre, elle se clôt. C'est la figure de l'anneau qui se répète sur le mode de l'anniversaire. L'hymen est affirmé dans sa duplicité.

La difficulté sur laquelle il insiste dans sa lettre à son éditeur, c'est que cette origine, ce premier mouvement, "ma vie", est impossible à identifier a posteriori. On ne peut le faire que par allusion, sur une feuille volante, un bord (la bordure ou limite entre l'œuvre et la vie, biographie ou autobiographie). Partout où il est question de "ma vie", il faut évoquer un lieu de ce type, un lieu du midi de la vie (comme dit Nietzsche), un lieu qui n'a pas lieu, un lieu qui habite sur une limite disparaissante. C'est l'alliance du retour éternel, cette pensée du "oui, oui" sans laquelle on ne peut rien entendre de sa vie, "sa-vie-son-œuvre" écrit derrida avec un trait d'union.

 


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