Le texte de Freud, Au-delà du principe de plaisir, pourrait être un paradigme de ce "nouveau" rapport à l'autobiographie. Freud y met en scène :

- lui-même comme narrateur, acteur et auteur de la scène,

- son petit-fils Ernst comme objet d'expérience (une expérience usuellement désignée sous le nom : Fort/Da),

- sa propre fille, la mère du petit garçon, comme élément apparaissant / disparaissant dans la scène, et aussi comme interprète du cri de l'enfant : o-o-o-o! ou a-a-a-a!

Dans cette combinaison inédite, le principe de plaisir, inventé et légitimité par Freud, est mis en acte et en oeuvre. Mis en acte par Ernst et aussi par Sigmund, qui le fait apparaître et disparaître dans sa discussion sur la pulsion de mort; mis en oeuvre par Ernst (dans son "jeu") et par Sigmund, qui en fait un écrit essentiel dans l'auto-institution de la psychanalyse. Le "contenu" du texte est inséparable de l'autobiographie freudienne, à condition de donner à ce mot un nouveau sens. Certes Freud raconte un épisode de sa vie, mais il ne met en scène le "je" ou le "moi" que pour lui donner valeur de "science". Il ouvre un domaine où ce n'est pas la subjectivité empirique qui fait appel aux souvenirs, mais une pratique théorique singulière, une graphique de la différance qui ne donne aucune assurance sur la question de savoir qui prend la parole. Ce qu'il raconte, c'est l'autobiographique comme tel.