Derrida
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TABLE des MATIERES :

                            NIVEAUX DE SENS :

 DERRIDEX

Index des termes

de l'oeuvre

de Jacques Derrida

Un seul mot - ou un syntagme.

         
   
Derrida, la marche, le pas                     Derrida, la marche, le pas
Sources (*) : La pensée derridienne : ce qui s'en restitue               La pensée derridienne : ce qui s'en restitue
Pierre Delain - "Les mots de Jacques Derrida", Ed : Guilgal, 2004-2017,

[Derrida, le pas, la marche]

Autres renvois :
   

Derrida, "Viens"

   
   
                 
                       

1. Une mise en mouvement.

Peut-on dire que la pensée derridienne, celle de la déconstruction, "ça marche"? Peut-être, d'une marche sans avancée ni garantie de progrès, par une mise en mouvement plutôt incertaine, bancale, déséquilibrée, oblique, disparate ou dépareillée. Il n'y a dans cette marche rien qui soit de l'ordre d'une fonction, d'une opération. Comment marcher sans démarche, en faisant autre chose que marcher? Il faut prendre appui sur d'autres penseurs, suivre leur route, les dérouter et éventuellement en prendre le contre-pied. Pour cela des chaussures spéciales sont nécessaires, du genre des Souliers de Van Gogh. Ce sont eux ou leurs pareils (des artefacts, sans propriétaire ni finalité) qui font marcher, qui cheminent sans route ni chemin, sans horizon, sans adhérer au sol. Ce qui fait partir et repartir dans cette pensée n'est pas ce qui marche, c'est ce qui boîte, déboîte, sans jamais arriver à destination. La marche derridienne ne peut ni pointer vers un lieu précis ni même pointer en général, faute de pointure déterminée. Elle ne parcourt pas, elle enlace, elle œuvre, d'une œuvre sans cesse décalée.

 

2. Le pas.

Il y a dans toute marche un mouvement double de rapprochement et d'éloignement, que Derrida compare au Fort:da freudien. Pour s'approprier la marche (Da), il faut la déstabiliser, la désajuster, mais pour continuer à marcher, il faut aussitôt repousser ce mouvement d'appropriation (Fort). C'est ce qui arrive dans un texte, un récit. Le pas ouvre à lui-même sa propre distance. Jamais tout à fait présent, dans la langue et hors-langue, il s'oublie. S'annulant en se franchissant, mû une force excessive, sans vérité, ni visibilité, ni figure, ni représentation, s'altérant en conservant son au-delà, il est et il n'est pas. Il ne peut apparaître que dans son altérité, s'approcher que comme autre. Se soustrayant à l'identité, il ne se pense pas à partir d'un commencement, mais d'un "venir-de-partir", et pas non plus à partir d'une fin car, pouvant toujours continuer, il ne franchit jamais le seuil. Il en va ainsi pour ma mort : un passage impossible (car la mort est toujours la mort de l'autre), un certain pas sans pas, un "Je passe" aporétique. La mort ne s'oppose pas à la vie, elle invite à penser une altérité d'un autre ordre qu'on ne peut aborder ni par la logique, ni par la connaissance, ni par l'expérience. Elle invite à penser un pas au-delà inaccessible par l'opposition classique entre la vie et la mort.

S'engageant, quoique sans dialectique, dans le mouvement hétérogène de la langue française entre le nom (un "pas" dans l'espace) et l'adverbe de négation (ce qu'il n'est "pas"), le pas ne cesse d'osciller, de tourner sur lui-même. Marcher, c'est faire revenir, indéfiniment, un double pas dont le pas qui, chaque fois, renvoie à un autre pas, ne répète pas le même pas. Ce qui est mis en marche est une alliance entre des pas, un anneau des pas à la fois successifs et répétés, un cercle sans cercle.

On retrouve, dans la recherche du plaisir, cette marche quasi-circulaire. And all my Pleasures are like Yesterday écrit John Donne; tous mes plaisirs sont d'hier, ils sont la nostalgie d'un plaisir passé dans lequel je voudrais me reconnaître, mais je ne suis pas sûr de revenir sur ce frayage, de me le réapproprier. Aller vers le plaisir c'est y faire retour, faire un pas vers l'autre, un autre inconnu, le plaisir terrifiant de la revenance, retour vers ce qui, en ce moment même, peut se transformer en pas de plaisir.

 

3. Une réponse au "Viens" (voir ici).

Chaque fois qu'on dit "Viens", on appelle à une double marche. Tu dois venir, ici et maintenant, en ce moment même, dans l'immédiat, au présent, dans cette situation unique, celle-là, intraduisible. Ce "Viens" n'opère ni comme métalangage, ni en surplomb. Il répète (toujours sans surplomb) un autre "Viens" qui aura déjà été dit à l'autre, qui a déjà eu lieu, auquel il faut répondre. Il engage dans l'alliance. En appelant, depuis le sans-nom, à la différence sexuelle, il ouvre un espace indéterminé, à venir, messianique. Sans procéder d'aucune autorité, loi ni hiérarchie, il se soustrait à l'ordre du langage. Il faut aborder l'impossible, laisser venir, innommable, une irreprésentable obscénité.

 

4. Dissémination.

La marche fraye un espacement qui circule sur lui-même. Par sauts successifs, en équilibre instable, elle déclenche un effet de levier qui pousse, déplace, déracine. Prenant appui d'un seul côté, elle se transforme en saut (hypomochlium), elle fait franchir le fossé. S'élancer dans un tel saut, entre performatif et constatif, c'est faire œuvre. Rien ne l'arrête, rien ne contrôle ses marges, sauf cette rupture qu'est la route (rupta), le chemin qu'impose la loi. La crainte de la chute ou de l'échec n'empêche pas la marche de continuer.

Entre corps, oeil, visage, cerveau, verticalité, la marche déploie un certain rapport du vivant à soi qu'on trouve aussi, par exemple, entre la main, le papier et l'écrit. Peut-être notre époque suspend-elle, aujourd'hui, ce rapport. Si, désormais, le texte se met en marche, c'est hors-livre.

 

 

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Propositions

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Structure du "pas" : il faut qu'il s'annule en se franchissant, s'altère en conservant son au-delà, que la marche et la négation se contaminent dans le mouvement de la langue

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Dès avant le temps, un pas se dédouble et tourne sur lui-même avec une force excessive - sans vérité ni représentation, sans limite entre l'ascension et la chute infinies

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Dans tout récit, il y va d'un "pas" qui rapproche et éloigne, ouvre à lui-même sa propre distance, ne se forme que pour se soustraire à la présence et l'identité

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Une marche est une alliance, le retour éternel d'un double pas : un simulacre de cercle sans cercle

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Dans les récits de Blanchot, un "Viens" plus ancien que le temps appelle depuis une crypte absolue; abordant l'impossible, l'imprésentable obscénité, il paralyse

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D'une force excessive par rapport à elle-même, la pensée chez Blanchot ne pense pas "à-partir-de", mais reconduit au "venir-de-partir" , avant l'éloignement du proche

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Chaque fois que, sans aucun langage de surplomb, on dit "Viens", on donne le don, on répète l'alliance

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"Viens" se dit au présent; le citer met à l'oeuvre un autre "Viens", un Qui dont le " faire" est irréductible aux verbes usuels : opérer, fonctionner, jouer, ordonner, appeler

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La paire, fétichisée, rive à l'usage, tandis que le dépareillé oeuvre selon la logique du parergon : il met en mouvement

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Ce qui va par deux n'est pas nécessairement une paire : comme les chaussures de Van Gogh, ça ne marche pas, ça boîte

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Le pari impossible des chaussures de Van Gogh, c'est que, même dépareillées et disparates, elles font marcher

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La "peinture à l'oeuvre", c'est là où, de néant à néant - pariant sur le disparate, sur un reste crypté, secret, idiomatique -, les Souliers font marcher

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Il appartient à la structure d'une oeuvre de n'arriver pas toujours à destination : nul ne peut s'ajuster à sa pointure, pas plus qu'à celle des "Souliers" de Van Gogh

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Pour avancer, Derrida cite et traduit Heidegger, dans une marche étrange où il faut qu'il en prenne le contre-pied pour ouvrir le chemin vers l'"avant"

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Faire oeuvre, c'est produire un effet de levier (mochlos), c'est marcher par sauts successifs en équilibre instable entre marque et marge, entre constatif et performatif

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La dissémination circule infiniment sur elle-même; sa marche n'est limitée qu'à la marge, par pliure

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Avec le retrait d'un certain rapport entre l'écrit, la main et le papier, c'est une époque qui est suspendue, un lien symbolique entre marche, chemin et frayage qui se dénoue

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Il n'est de plaisir ou de jouissance que dans la trace, la revenance de ce pas que jamais je ne suis sûr de reconnaître, de me réapproprier

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Forcer à partager une langue, c'est détenir un pouvoir qui n'est pas seulement linguistique : frayer, tracer, ouvrir la route, contrôler la marche, les marques et les marges

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[Derrida, l'au-delà, le "pas au-delà"]

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Dans la phrase "Je franchis le terme de la vie", il y va d'un certain pas, d'un "Je passe" (peraô) aporétique (aporia), d'un passage impossible (a-poros), sans pas

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