Derrida
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de Jacques Derrida

Un seul mot - ou un syntagme.

         
   
La déconstruction, contre elle - même?                     La déconstruction, contre elle - même?
Sources (*) :              
Jacob Rogozinski - "Cryptes de Derrida", Ed : Lignes Ed., 2014, pp139-140

 

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Il faut sauver d'elle-même la déconstruction, cette mise en oeuvre inconditionnelle, archi-éthique, de la vérité, en arrêtant le jeu d'écriture qui maintient le primat de la non-vérité

   
   
   
               
                       

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Dans le troisième chapitre de son livre Cryptes de Derrida, Jacob Rogozinski analyse le rapport de Jacques Derrida à la vérité. Dans toute son oeuvre, on retrouve la même tension : tout en soutenant qu'il n'y a pas "la" vérité, il affirme aussi, simultanément, qu'il faut la vérité. D'un côté, la vérité est une fiction, un nom maudit, un fétiche, un fantasme, une ruse du logocentrisme, une menace aveuglante. Il n'y a pas de déconstruction sans déconstruction de la vérité, et tous les concepts derridiens (archi-écriture, trace, hymen, pharmakon, parergon, etc.) s'affirment en excès de la vérité. Mais d'un autre côté, il ne renonce jamais au désir de vérité, c'est au nom de la vérité qu'il écrit. Même s'il laisse entendre que cette affirmation n'est qu'une feinte, une mise en scène, la vérité reste présupposée. On ne peut pas la révoquer sans reste.

"La déconstruction s'exercerait donc au nom de la vérité, dans le désir de sauver la vérité. Elle se contenterait de la déplacer du registre constatif au registre prescriptif, d'en faire l'enjeu d'une nécessité éthique, d'un impératif (ou, si l'on veut, d'un performatif). (...) Cette prescription deviendrait alors la vérité de la "vérité", et c'est la loi, c'est un impératif inconditionné qui nous oblige à la vérité, une exigence archi-éthique qui commande à toute déconstruction comme à toute pensée" (Jacob Rogozinski, Cryptes de Derrida, p111).

On peut comparer ce "Il faut" au "Oui" archi-originel du langage. De même que le langage se sera toujours adressé à nous comme une injonction, il aura toujours fallu dire "oui" à la vérité, même pour déconstruire. On retombe sur la même aporie : le nom de vérité serait la bénédiction, la promesse, la chance de la déconstruction, sa condition de possibilité, mais il serait impossible de déconstruire la métaphysique, sans déconstruire aussi l'alèthéia, telle qu'elle a été problématisée par Heidegger.

 

 

C'est ici que Jacob Rogozinski repère un chiasme qui va mettre en jeu le seing même de Jacques Derrida, sa signature.

- Heidegger a foi en la vérité. Selon Derrida, ses motifs majeurs (l'Être, l'Homme, la Parole), le Logos, le Temps, ne font que répéter l'héritage de la tradition. L'ouverture de l'Être, comme donation et envoi, est sa vérité, et cette vérité n'est autre que l'alèthéia grecque : un dévoilement qui, étant aussi revoilement, est indissociable de la non-vérité. Mais Jacob Rogozinski fait observer (p123) qu'il y a pourtant, chez Heidegger, un trait générateur (Riss) qui trace les lignes directrices de l'oeuvre d'art, et permet de différencier la vérité de l'illusion.

- pour Derrida, la vérité ne peut jamais se stabiliser, elle est toujours destituée par une non-vérité en excès, plus puissante, plus vieille, plus originaire : l'écriture, la différance, la mimesis, la littérature, la femme, etc. Aucune démarcation ne permet de distinguer le simulacre de l'image et du modèle.

Dans les deux cas, vérité et non-vérité s'entrelacent, avec le Riss comme point de croisement. Or le Riss, selon Rogozinski, c'est le seing, la trace du moi dans l'oeuvre. Par cette trace, la mimesis ne se poursuit pas indéfiniment. Un point d'arrêt, qui est l'incision de la vérité, endigue la prolifération. Cela vaut pour toute oeuvre, qu'elle soit poétique, picturale, rhétorique ou autre : le point où la vérité et la non-vérité deviennent quasiment indécidables est aussi celui d'une décision où se dénoue la crise. Or, Jacques Derrida signe ses textes. En signant, il se protège contre la menace d'une oncologie inarrêtable, d'une dispersion infinie, d'une débandade qui le perdrait dans l'indifférenciation. On pourrait dire (ce que ne dit pas Rogozinski) qu'il se vaccine lui-même. En se soumettant à la loi de la vérité, il sauve la déconstruction. Dans son oeuvre, les phases d'excès (dissémination) et de rechute dans la métaphysique se succèdent, se combinent et s'inversent, le décryptage pouvant reconduire à l'alèthéia et l'écriture cryptique pouvant reconduire à la non-vérité. Cette quadrature, comme dit Rogozinski, n'est pas sans issue.

"Y aurait-il chez Derrida l'équivalent de ce trait qui permet à la vérité d'advenir dans une oeuvre? Lui-même n'hésite pas à rapprocher le Riss heideggérien de ces motifs majeurs de sa pensée que sont la trace, le re-trait ou l'entame. Il y voit un "écart différentiel", mais aussi un "performatif d'écriture", une marque générative, un"événement de propriation" (Psyché, pp86-92)" (Jacob Rogozinski, Cryptes de Derrida, p144).

Sans la signature, il n'y aurait pas de texte. Si l'on n'arrêtait pas le glissement des renvois textuels, la promesse de la déconstruction risquerait de sombrer dans le nihilisme.

 


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