Derrida
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de Jacques Derrida

Un seul mot - ou un syntagme.

         
   
Derrida, la photographie                     Derrida, la photographie
Sources (*) : Derrida, auto - affection               Derrida, auto - affection
Jacques Derrida - "Psyché, Inventions de l'autre (tome 1)", Ed : Galilée, 1987, pp302-303- Les morts de Roland Barthes

 

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Derrida, le sujet, le moi

Dans sa référence à soi, le travail du je commence par une énonciation impossible, un "Je suis mort" passé et aussi imminent, qui pointe depuis le futur

Derrida, le sujet, le moi
   
   
   
"Je suis mort", "ma mort", signature de l'aporie "Je suis mort", "ma mort", signature de l'aporie
Derrida, singularité(s)               Derrida, singularité(s)  
                       

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Dans les dernières pages de son hommage à Roland Barthes, Les morts de Roland Barthes (écrit en septembre 1980), axé sur une lecture de La chambre claire (publié peu après son décès, le 26 mars 1980, et dont le thème est la photographie), Jacques Derrida mentionne un texte de Barthes daté de 1973, Analyse textuelle d'un conte d'Edgar Poe, qui sera repris en 1985 dans un livre posthume, L'aventure sémiologique. En analysant, dans ce texte, l'expression "Je suis mort", à partir d'un récit d'Edgar Poe, La vérité sur le cas de M. Valdemar (The Facts in the Case of M. Valdemar), une nouvelle fantastique publiée en 1845 dont la traduction par Baudelaire paraîtra en 1856 dans Les histoires extraordinaires, Roland Barthes mentionne La voix et le phénomène, livre publié par Derrida en 1967, qui cite en exergue le texte de Poe. Ces croisements de dates ne sont pas sans importance, car cette expression, que Barthes qualifie d'énonciation impossible, Je suis mort est analysée par Derrida dans un double mouvement temporel : d'une part Je suis déjà mort (passé) et d'autre part Ma mort est imminente (futur). C'est une question de temps. Remplacer un référent unique (une photographie) par autre chose, quelque chose de tout autre (un discours, un affect), n'est-ce pas en rapport avec la force métonymique du passage du temps? Quand je regarde une photo, c'est moi-même que je regarde, déjà mort, dans ce silence absolu qui ne laisse plus rien à dire, et aussi moi-même dans l'horizon de ma mort imminente, toujours sur le point d'arriver mais pas encore arrivée : une situation peut-être vécue par Roland Barthes entre la mort de sa mère (25 octobre 1977) et l'accident qui devait l'emporter (25 février 1980), quand il a écrit La chambre claire.

"Théorie contrapunctique ou défilé des stigmates : une blessure vient sans doute au lieu du point signé de singularité, au lieu de son instant même (stigmê), en sa pointe. Mais au lieu de cet événement, la place est laissée, pour la même blessure, à la substitution qui s'y répète, ne gardant de l'irremplaçable qu'un désir passé" (Derrida, Les morts de Roland Barthes, p304).

 

 

L'acte d'énonciation Je suis mort est, "à la lettre" (pour reprendre la formule de Barthes), impossible. On ne peut pas à la fois être mort et dire "je" au présent. Ce serait littéralement faux : une erreur, un mensonge. Et pourtant on entend le sens de la phrase, on la comprend. C'est cela le travail du je : la possibilité de renvoyer à un référent autre, une référence en mouvement, qui rend l'énonciation possible : un punctum au sens de Barthes. Il faut traduire ce point, le laisser revenir, laisser place à la "substitution métonymique". Le texte de Barthes, La chambre claire, peuplé de revenants, se situe entre ces deux mouvements. Malgré la mort effective de l'"auteur", cet entre-deux "irradie le corpus" (Derrida, Les morts de Roland Barthes, p303).

 


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