Chez Lévinas, tout commence par l'accueil du visage, mais chez Kant, tout commence par la guerre. D'un côté, la paix n'est pas un phénomène naturel, c'est le résultat d'un rapport de forces, d'une négociation politique, d'une délibération, d'une construction juridique. Mais d'un autre côté, le concept kantien, cosmopolitique, de paix est celui de la paix perpétuelle, d'une promesse de paix éternelle. Celui qui ne consent à la paix que dans la perspective d'une guerre future limite l'hospitalité, il la subordonne à certaines conditions qui, un jour ou l'autre, ne seront pas remplies. L'hospitalité universelle de Kant garde la trace d'une hostilité naturelle, d'une violence qui fait peser une menace sur la paix. Il suffit d'une tension, d'une pression symbolique, diplomatique ou économique, d'une guerre virtuelle pour mettre fin à la paix. Si la promesse est toujours contaminée par la menace, il ne peut pas y avoir de paix naturelle. Un Etat-nation limite toujours le refuge ou le droit d'asile.

Au contraire, l'accueil de l'autre lévinassien est immédiat, infini et inconditionnel. Il est pacifique par essence, indépendamment des rapports de force, et malgré l'appel immédiat à un tiers (le droit, l'Etat) qui protège mais peut aussi exercer une violence.

Mais bien entendu, comme en Syrie, il vaut mieux la paix kantienne que pas de paix du tout.