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de Jacques Derrida

Un seul mot - ou un syntagme.

         
   
Derrida, silence, mutisme                     Derrida, silence, mutisme
Sources (*) : Le prophète Élie, vers un fin silence               Le prophète Élie, vers un fin silence
Guideon Berto - "La Bague ouverte", Ed : Galgal, 2007, Page créée le 30 novembre 2016

 

La bible traduite par Andre Chouraqui (I.Rois.19.9-13) -

La "voix de fin silence" entendue par Elie dans la grotte est si bouleversante qu'il aura fallu l'encadrer par la même question et la même réponse

   
   
   
               
                       

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Les trois mots de la formule qu'on traduit usuellement par la voix du fin silence, pris séparément, offrent peu d'ambiguité :

- qol : tout ce que perçoit l'oreille, bruit, voix, cri, vibration ou son. La traduction usuelle par "voix" n'est donc qu'une traduction possible, parmi d'autres.

- daqqa (au féminin) : mince, fin, ténu,

- le mot féminin deMama, qui signifie silence.

Pourquoi ce troisième mot, deMama, est-il souvent traduit par d'autres mots qui renvoient soit à un bruit léger (contre-sens) soit à une brise (faux sens)? Pour éviter l'oxymore, car le traducteur suppose qu'un bruit ne peut pas être entendu comme un silence, fut-il léger. Pourtant c'est bien ce que dit le texte.

Parmi les traductions modernes en français, on trouve : une voix de petit vent (Lefèvre d'Etaples), le son d'une brise légère (Dhormes), le bruit d'une brise légère (Reuss), le frémissement d'une douce brise, le bruissement d'un souffle ténu (TOB), un murmure sourd, léger (Kahn), un doux et subtil murmure (Kittel), un murmure doux et léger (Segond), un bruissement doux et léger (Voeltzel), un son quoy et subtil (Calvin), etc. Il s'agit toujours d'éviter l'étrangeté du mot "silence", alors que l'hébreu signifie littéralement "un bruit de silence". Pour qu'on accepte la possibilité d'un oxymore dans le texte biblique, il aura fallu attendre les époques plus récentes, par exemple : après le feu, une voix : un silence subtil (Chouraqui), ou bien cette traduction proposée par Lévinas, qui est devenue canonique : la voix de fin silence.

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Roger Laporte a rapporté un entretien qu’il a eu avec Lévinas au sujet de la traduction de ce texte : « Je me référai à ce passage du Cantique spirituel où, dans son commentaire de la quatorzième strophe, Jean de la Croix écrit : “Quelques théologiens ont pensé que notre père saint Elie a vu Dieu dans ce murmure délicat du zéphyr qu’il sentit à l’entrée de sa grotte sur le mont Horeb”. Emmanuel Lévinas prit le texte hébreu et, sans aucune hésitation, me traduisit les versets 11 à 13 du 1er livre, chapitre XIX du Livre des Rois... ». Voir Études, Paris, P.O.L., 1990, p. 236.

Traduction d'André Chouraqui (I-Rois, 19:9-13).

 

 

L'expérience d'Elie, qui reçoit la voix de Dieu sur l'Horeb, répète la réception par Moïse de la Torah au Sinaï. Mais tandis que Moïse se présente spectaculairement devant la multitude du peuple, Elie est seul dans la grotte. Même son serviteur est resté à Bersheva. Immobile, sous-alimenté, il est déprimé et désire en finir avec la vie. C'est alors que la voix lui demande de sortir de la grotte, de se tenir face à la montagne. Mais il ne sort pas. Peut-être ne perçoit-il la tempête, le séisme et même la brûlure (le feu) qu'en lui-même, peut-être n'est-ce qu'un état de conscience. Pour les trois premiers événements, le texte précise que Yhvh n'y est pas, mais pour le quatrième événement (la voix du fin silence), le texte ne dit rien : il se peut que Dieu soit présent, ou absent. Aucun objet externe, aucune structure intellectuelle, aucune relation avec le monde, ne peut trancher. Dissocié du contexte, ce passage peut être interprété comme expérience mystique : un silence à l'état pur entendu dans une alliance de mots antithétiques. Mais si l'on considère le contexte, le récit de la vie du prophète Elie dans son ensemble, alors il s'agit d'une transformation intérieure, d'une nouvelle orientation, d'une transition. Elie doit désormais s'occuper du monde, oindre les rois, désigner un prophète pour lui succéder dans la vie de la cité. Parti de la rigueur excessive du croyant, il en arrive à l'engagement politico-éthique.

 


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