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TABLE des MATIERES : |
NIVEAUX DE SENS : | |||||||||||||||||
Derrida, le tout - autre | Derrida, le tout - autre | |||||||||||||||||
Sources (*) : | Derrida, le secret | Derrida, le secret | ||||||||||||||||
Jacques Derrida - "Donner La Mort", Ed : Galilée, 1999, p115 Courons a Uranus (Louis Soutter, 1937-42) - |
La formule "Tout autre est tout autre", c'est (dans le contexte derridien), le secret de tous les secrets |
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Jacques Derrida met cette formule en valeur en l'écrivant en lettres capitales (p114) après l'avoir déjà mentionnée (p98) et développée (p110), puis il écrit : c'est le secret de tous les secrets, une formule encore plus forte qui pourrait en faire une clef, un mot de passe. Mais il tient à démystifier immédiatement les deux formules : il suffirait de transformer le contexte pour que, déjà, "Tout autre est tout autre" ne soit plus le secret de tous les secrets. Il suffirait, par exemple, d'en faire une formule "hétéro-tautologique" à la façon de "l'idéalisme spéculatif de Hegel" (p116) [une clef susceptible de tout expliquer, dans l'horizon du savoir absolu], voire de la religion révélée par excellence [une phrase dévoilant la vérité], le christianisme. Et pourtant... il semble bien qu'il faille, malgré tout, lire cette "singulière formule" comme un schibboleth (p115, p122), le secret de tous les secrets. Sinon, pourquoi l'écrire? Pourquoi insister sur sa structure grammaticale ambiguë et ambivalente? Cette formule qui ressemble à une tautologie n'est pas une identité, c'est une antinomie, une aporie (p117), une hétérologie radicale, et même l'hétérologie la plus irréductible, celle de deux partitions incompatibles. Elle distingue, sépare, réunit deux significations : - d'un côté [n'importe quel autre], "tout" peut être lu comme quelque, quelconque, un quelconque (adjectif pronominal indéfini), et alors l'autre est un nom; - d'un autre côté [le tout autre radicalement autre, quasi théologique], "tout" peut être lu comme totalement, absolument, infiniment (adverbe de quantité), et alors l'autre est un adjectif, un attribut. Le tout autre peut être nommé Dieu; mais alors sa qualité divine est reconnue "à chaque homme ou femme, voire à chaque vivant, humain ou non" (p116) - en rupture avec l'idéalisme classique. Ce serait la position, par exemple, de Lévinas ou de Kierkegaard. Si chaque autre est tout autre, on ne peut plus distinguer entre éthique, politique et religieux. |
Citation : ""tout autre est tout autre", ai-je un jour répondu à Lévinas, et je dirai peut-être plus tard les enjeux peu maîtrisables de cette formule peu traduisible et peut-être perverse" (Abraham l'autre, dans Judéités, p22). [Cette phrase a été prononcée le 3 décembre 2000].
On peut dire Tout autre est Dieu (déclaration selon laquelle chaque autre est comme Dieu), ou Dieu est tout autre (définition de Dieu comme infiniment autre). Dans les deux cas, on introduit un jeu, une économie entre deux unicités : le prochain comme individu, autre absolument singulier d'une part, et le tout autre, unique en tant que tout autre, d'autre part. Il s'agit, selon Derrida, de sceller un contrat, une économie du salut [le christianisme]. Si n'importe qui, universellement, est tout autre, alors une règle d'exception s'applique universellement [ce qui conduit à la thématique chrétienne du don]. Avec cette règle, qu'on suppose universellement traduisible, le secret se dévoile. Mais on peut aussi considérer que la formule Tout autre est tout autre est intraduisible. Elle ne peut se dire, littéralement, que dans la langue française. On peut la paraphraser dans d'autres langues, mais c'est seulement pour les locuteurs de cette langue, ceux dont elle est la langue naturelle ou maternelle, qu'elle est un schibboleth intraduisible, une formule secrète indéchiffrable irréductible à un code. On revient alors à l'affirmation derridienne : de ce secret, qui reste enfoui dans la langue, on ne peut rien dire [c'est la position d'Abraham]. Tout autre est tout autre nous inscrit, qu'on le veuille ou non, dans une tradition issue du christianisme. Dans le tout autre nommé Dieu, il y a du secret inaccessible au savoir, non objectivable, incommensurable. Je ne vois pas le tout autre, il est pour moi invisible. Cette loi qui vaut pour le tout autre vaut aussi pour le prochain (autrui), et aussi pour moi [sécularisation du christianisme]. Il y a aussi du secret en l'autre, et aussi du secret en moi inaccessible à la connaissance, y compris la mienne. "Là se tiendrait peut-être le secret du secret, à savoir qu'il n'y a pas de savoir à mon sujet et qu'il n'est là pour personne" écrit Derrida (p127). Il n'y a pas, chez moi, de "chez soi" que je pourrais connaître : le heimlich est aussi unheimlich, la familier est étrange, inquiétant. |
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Création
: Guilgal |
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Idixa
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Derrida DerridaToutAutre DJ.MMP DerridaSecretEI.LEI UToutAutreSecret Rang = JZAutreToutAutreGenre = MR - IA |
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