Il faut vivre ensemble, dit Derrida, on ne peut pas l'éviter, c'est une nécessité vitale et aussi un commandement, une obligation, et quand on "vit ensemble", on vit avec certaines personnes qu'on n'a pas choisies, des personnes qui nous ont été assignées avant même notre naissance : famille, voisins, compatriotes, coreligionnaires, collègues, etc.. Quand on est pris dans ces liens (et c'est inévitable), on ne peut pas éviter de privilégier ces personnes. Je préférerai toujours mes enfants à ceux des autres, ou ceux qui partagent avec moi certaines traditions à ceux dont les usages ou les comportements sont opposés à mes opinions. Mais dans le contexte actuel de reconnaissance du droit international et devant une justice universelle, je ne pourrais pas justifier cette préférence qui ne tient qu'à des circonstances. Elle est impardonnable, inavouable et par conséquent mon premier devoir, mon premier geste de lucidité, c'est de l'avouer. Cela vaut pour les relations entre humains, mais aussi pour les rapports avec les milieux, les animaux, les structures prothétiques en tous genres ou les greffes. Je peux vivre avec eux, cohabiter ou coexister dans une certaine symbiose, mais ces choix préférentiels ne peuvent être justifiés que par des raisons économiques, locales. A l'égard de tous les autres, de tout autre, ma responsabilité est infinie. Il m'est impossible d'effacer cette dette, je ne peux que l'avouer.

Mobilier funéraire trouvé à Nayarit (Mexique), intitulé "Les endeuillés" (entre 200 avant J-C et 500 après).