Il y a du secret, écrit Derrida, mais il commence par énumérer (longuement) tout ce qu'il n'est pas. On peut l'interroger dans toutes les directions, sous toutes les modalités, il reste étranger à la parole (p62) et aussi à l'être. Même négativement, on ne peut pas le définir : "il n'est pas plus dans la parole qu'étranger à la parole", une parole qu'il ne peut garder ni en réserve ni en retrait (la dissimulation, l'oubli) puisqu'il n'est pas. Dans sa non-réponse absolue, il ne peut pas répondre de lui-même. Jamais on ne peut lui demander des comptes. Dire qu'il est ce qui répond pas (p70) est déjà abusif, puisqu'il n'a pas d'être, et que même lorsqu'on écrit autour de lui (la littérature), c'est sur la non-réponse qu'on s'appuie. Ce qui arrive alors, obliquement, ce n'est pas la révélation d'un secret, ni même d'une trace ou d'un symptôme ou encore d'un silence, c'est la passion : mensonge, tromperie, séduction, fiction, simulacre, leurre, stratagème, fantasme, etc. Tout cela, pas plus qu'aucune forme de lien social, ne dit rien du secret, et s'il en reste quelque chose, on ne peut pas en témoigner.

Le secret (Fernand Khnopff, 1902)