Interpréter un film, à la manière par exemple d'un Paul Ricoeur, ce serait vouloir trouver, derrière le film, un lieu transcendantal où se révélerait, derrière la matérialité du signifiant, l'intention consciente ou inconsciente de l'auteur. Ce serait croire que sous le film, recouverte par lui, gît une signification à découvrir. Pour écarter cette problématique, Peter Brunette et David Wills préfèrent au mot interprétation celui de lecture. Lire un film à la façon dont Jacques Derrida a lu les textes, c'est renoncer à toute essentialisation, totalisation ou catégorisation d'un film. On ne cherche pas dans le texte, avec ses trous et ses défaillances, des signes d'élision ou d'absence, on tente de repérer les lieux aporétiques où se croisent l'extérieur et l'intérieur. Ce n'est pas le sens ultime du film, par rapport à un référent ou une catégorie (le genre, la période historique, etc.) qui est en cause, c'est la possibilité de générer toujours d'autres lectures dont aucune ne sera "fondamentale" ou déterminante.

Photo extraite du film d'Alejandro Jodorowsky, Poésie sans fin (2016).

Citation en anglais : "A deconstructionist criticism, based on the Derridean example rather on what is regarded as the American version, would seek a more adventurous marrying of theory to reading practice. It would see the gaps of a text not so much, or not only, as signs of elision but as aporias representing important points of articulation between its inside and outside. It would accept that although such aporias might be productive of further readings, there can be no simple reduction of them and thus no simple way in which one reading could "correct" another - thus no way out of reading itself" (Screen/Play, Derrida and Film Theory, Peter Brunette & David Wills, 1989, p59).