Il faut, dans la vie courante, distinguer radicalement la "pure foi", qui est un phénomène invisible, privé, singulier, de la connaissance ou vérité scientifique qui exige des preuves empiriques, vérifiables par des expériences reproductibles. La foi a lieu en secret, tandis que les explications scientifiques sont données en public dans des champs déterminés : par exemple histoire, archéologie ou même théologie. On ne peut réduire la foi à aucune tradition religieuse. Elle ne s'enseigne pas, ne se transmet pas. C'est un acte performatif (speech act), une expérience de langage, un lien social que même les animaux expérimentent - qu'ils se combattent ou non, ils ont foi les uns dans les autres. C'est le fondement de notre expérience en tant qu'être vivants.

Entre la foi et la science, la foi et la raison, il ne peut y avoir ni passage, ni transition. L'hétérogénéité est absolue. La vérité scientifique et la vérité de foi sont indissociables, mais hétérogènes. Ce sont deux mouvements spécifiques qu'il faut garder séparés. Les confondre risquerait d'entraîner une catastrophe.

[Et pourtant, comme Jacques Derrida l'explique dans d'autres textes, le savoir et la science, eux aussi, ne tirent leur crédibilité que du témoignage, c'est-à-dire de la foi. La source est commune, c'est le lieu de la fiabilité, de la fidélité, du fiduciaire].