Pour qu'on prenne au sérieux l'opinion publique, il aura fallu la démocratie parlementaire, c'est-à-dire la possibilité que cette opinion soit publiée en-dehors des représentations politiques, corporatives (principalement par les médias, les journaux). Ephémère, errante, jamais présente en un lieu particulier, elle peut changer de jour en jour au rythme des sondages, se prononcer différement selon la question posée. Elle juge, mais ne se prononce pas à la première personne. Elle évalue, mais ce n'est pas un savoir. Ni dedans ni dehors, son pouvoir de contrôle ne s'exerce que virtuellement, en vue d'un vote possible, mais toujours potentiel, à la façon des cahiers de doléance. Comme les déclarations, les manifestations, elle est de l'ordre de la parole, mais une parole qui ne s'exprime pas et ne fait qu'anticiper, annoncer, une parole spectrale dont la mise au jour ne se détache pas du présent.