Jacques Derrida annonce que la troisième séance du séminaire La vie la mort sera une séance de transition. Il y est question, dans la continuité de la séance précédente, de Nietzsche, qui se présente comme le dernier philosophe, comme l'Oedipe aveugle, solitaire où meurt la voix du "s'entendre parler", comme le tout dernier homme qui mette en marche le pas au-delà, inouï, dont parle Blanchot. Puis il passe, toujours chez Nietzsche, à la métaphore - indissociable du concept, qu'il pousse aussi un peu plus loin en parlant de métaphore en général. L'origine de la métaphore se situe du côté d'une vie supplémentaire c'est-à-dire de ce qu'il a nommé la vivante, la mère de la langue maternelle, qui en appelle à la volonté de puissance, au génie, plutôt qu'à la pensée érudite ou la doxa - une thématique qui reflète la méfiance de Nietzsche à l'égard de la connaissance.

C'est alors qu'arrive une autre transition du côté de la biologie, celle de Claude Bernard, Georges Canguilhem et François Jacob. Dans son article Le concept et la vie, Canguilhem ne questionne jamais l'opposition entre métaphore et concept. Il lui faut cette frontière rigoureuse, rassurante, pour asseoir l'objectivité scientifique, le scientisme. Il ignore qu'en pratique la science ne cesse d'effacer la limite, de mettre en question ce partage et aussi la loi de ce partage.

The Visible Compendium (Larry Jordan, 1991)

De même qu'entre maladie et santé il n'y a pas de frontière rigoureuse, la recherche d'un concept "adéquat" passe par des métaphores. Le concept efficace, opérationnel ne garantit pas une adéquation à une chose ou un objet, mais l'avancement du travail scientifique, le progrès du savoir. Il est producteur à la façon d'une métaphore, dont le propre est l'adéquation inadéquate.