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TABLE des MATIERES : |
NIVEAUX DE SENS : | ||||||||||||||||
Derrida, ses livres | Derrida, ses livres | ||||||||||||||||
Sources (*) : | Israel / Palestine : "De tout coeur" | Israel / Palestine : "De tout coeur" | |||||||||||||||
Jacques Derrida - ""De tout coeur" (vidéo adressée aux israeliens et aux palestiniens, mars 2002, suivie de la lecture du texte "Nous ?")", Ed : , 2002, | Derrida, judaïsme, judéités | "De tout coeur" (vidéo de mars 2002 adressée par Jacques Derrida aux Israéliens et aux Palestiniens, suivie de la lecture du texte "Nous ?") [DTC] |
Derrida, judaïsme, judéités | ||||||||||||||
Derrida, le cinéma | Derrida, le cinéma | ||||||||||||||||
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Vidéo d'une durée de 24 minutes enregistrée en mars 2002 à Paris par Safaa Fathy. Derrida a décidé de s'exprimer devant une caméra car il ne pouvait pas se joindre à la visite d'une délégation du Parlement international des écrivains, dont il était alors le président, à Ramallah. Il insiste à plusieurs reprises sur cette double adresse : Palestiniens et Israéliens. Il lui est souvent arrivé de s'exprimer sur ce conflit dans différents textes ou conférences, mais cette intervention, qui n'avait pas encore été publiée en 2020, est la seule où il s'adresse directement aux deux parties. On trouvera ci-après la transcription du texte intitulé Nous ?, qu'il avait écrit pour un ouvrage collectif (Sur une idée de Sapho, Un très proche Orient, Paroles de paix, Paris, Ed Joëlle Losfeld/Dada, 2001), dont il fait la lecture à la fin de la vidéo. On peut faire observer que ce texte est à peu près contemporain de la rédaction des deux conférences qui allaient être publiées en 2003 sous le titre Voyous - Deux essais sur la raison. L'enregistrement est intercalé entre la neuvième et la dixième séance du premier volume du séminaire La bête et le souverain. Avant la lecture de Nous ?, Derrida mentionne ses engagements antérieurs. Il rappelle qu'à chaque visite qu'il a faite à Jérusalem, il a voulu rencontrer des Palestiniens. Cette vidéo s'inscrit dans la série de ces visites : - en 1982, première visite où il découvre notamment le cimetière juif. Il la raconte dans Révélations et autres textes - Lectures des photographies de Frédéric Brenner : "En 1980, je n'étais encore jamais allé à Jérusalem. L'année prochaine, me disais-je encore en 1981. Première visite en 1982 : je suis sûr d'avoir alors marché dans ces lieux, la lumière y était dans l'ombre". - en juin 1986 pour parler de théologie négative (Comment ne pas parler, Dénégations, publiée en 1987 dans Psyché, Inventions de l'autre, volume II) , - en juin 1988 pour prononcer son texte Interpretations at war (publié en 2003 dans la deuxième édition du même volume), - en janvier 1998, conférence à l'Université Hébraïque de Jérusalem (le 5 janvier, première séance du séminaire 1997-98 sur Le Parjure et le pardon, le 6 janvier une version préliminaire de la quatrième séance), conférence à Tel Aviv sur Les étrangers que nous sommes, visite à l'université de Beir-Zeit où il prononce une conférence sur Hospitalité et citoyenneté, entretien filmé à Jérusalem pour les archives de Yad Vashem qui sera publié ultérieurement par Michal Ben-Naftali sous le titre Une éthique de la mémoire. Il évoque ce voyage dans une lettre à Catherine Malabou, reproduite dans Voyager avec Jacques Derrida (p259). Pendant le même séjour, il prononce en public son texte Che cos'è la poesia? de 1988 (publié dans Points de suspension, p303), tandis que Michal Govrin le traduit en hébreu. Il est possible que le livre Body of Prayer, qui sera publié en 2001 avec David Shapiro, ait été envisagé à cette occasion. - à cette liste, on peut ajouter l'allocution prononcée entre le 5 et le 7 décembre 1998 à Paris, pour le XXXVIIème colloque des intellectuels juifs de langue française sur le thème Comment vivre ensemble. Intitulée Avouer - l'impossible. "Retours", repentir et réconciliation, cette intervention semble prolonger la vidéo De tout cœur. Elle a été publiée à nouveau en 2014 dans le recueil Le dernier des Juifs. - concernant Jérusalem, Jacques Derrida livre en 2003 14 fragments de texte pour publication dans le livre de Frédéric Brenner, Diaspora, Terres natales de l'exil. Il s'agit de "lectures" des photographies reproduites dans ce livre, qui lui donnent l'occasion de mentionner quelques souvenirs en rapport avec cette ville. Dans la vidéo, il tient à rappeler l'entretien qu'il a eu avec Mahmoud Darwich et Leïla Shahid, à Paris, en 1997. A chaque visite à Jérusalem, il a tenu à rencontrer des Palestiniens. Dans sa déclaration, il réaffirme à la fois le caractère irréversible de la création de l'Etat d'Israel et la nécessité de créer un Etat palestinien ayant tous les attributs d'un Etat "souverain" - un mot qui l'inquiète, mais qu'il réitère néanmoins dans ce cas particulier. --- TRANSCRIPTION DE LA DÉCLARATION LUE À LA FIN DE LA VIDEO : "Nous ?" "Commencer, recommencer, recommençons. C'est risqué, c'est parfois impossible, nous le savons, par dire nous le plus justement, le moins injustement possible. Nous, malgré toutes les différences du monde et les plus respectables, nous, supposons-le, appelons-nous ainsi, nous serions nombreux, dans le monde, et de tous les côtés, à avoir épuisé, à nous y être épuisés nous-mêmes, tous les discours argumentés, toutes les rhétoriques armées, pour dire et prédire, quant aux israeliens et aux palestiniens, mais aussi à eux, nous adressant à eux, le juste, le plus juste, le moins injuste possible, nous, nous avons tenté hier et avant-hier, d'aller aussi loin que nous avons pu, dans les analyses historiques, philosophiques, théologiques, politiques, juridiques, éthiques, etc., pour juger équitablement des responsabilités respectives et dissymétriques, incomparables. D'un côté, la fondation violente de l'Etat d'Israel avec la complicité de tant d'Etats puissants, la prolongation et le développement en cours d'une oppression de type colonial et archaïque, que la Shoah ne peut justifier, mais interdit aussi de réduire à aucun autre exemple. En face, le terrorisme, une politique aussi coupable de bien des pays arabes de la région, d'Etats si peu démocratiques, une autorité palestinienne débordée, à peine démocratique, et irrésistiblement tentée et contrainte par la surenchère. Nous pourrions et devrions continuer dans cette voie, raffiner, compliquer encore les rappels, alors que des deux côtés les souffrances restent incalculables et incomparables. Nous le savons pourtant, c'est maintenant trop tard pour argumenter encore, même si ce n'est jamais inutile. Le mal est fait, il continue, et si nécessaire soient-elle, toujours interminables, si éclairées qu'elles puissent être aujourd'hui par de nouveaux historiens israeliens, ces analyses restent impuissantes et inadéquates à l'urgence qui nous serre le coeur. Nous pensons alors que c'est sur cette limite, en ce lieu d'épuisement, qu'il faut commencer, commencer à recommencer, et c'est cette limite, le dedans ou le fond du coeur, de ce que nous décidons d'appeler à nouveau le coeur, pour en appeler à lui. C'est là que le nous passe la raison et gagne immédiatement le coeur, c'est là qu'il parle sans diplomatie au coeur, du coeur, de coeur à coeur, la raison du coeur, sa raison politique. Nous en sommes sûrs, le coeur, qui ne veut pas dire autre chose, est du côté de la vie. C'est ce que nous appelons le coeur pour en appeler à lui. C'est lui qui doit inspirer la loi, ici-maintenant. Si le mot "peuple" avait encore un sens, j'en doute un peu, si le mot "peuple" avait encore un sens, il serait à chercher du côté de cette raison du coeur, qui doit aussi dicter sans attendre, sa loi, à l'initiative politique, juridique, militaire, diplomatique, aux gouvernants, aux décideurs, aux diplomates, aux généraux, aux "religieux", aux colons, le coeur, il sera toujours du côté de la vie, il nous dit qu'il vaut mieux vivre, et vivre ensemble, fût-ce séparés, que mourir l'un par l'autre dans la haine. Nous, nous voulons rappeler cette évidence simple, que tout israelien, tout palestinien doit ressentir, comme nous, chaque jour, dans son coeur. Plus clair que le jour, pourvu qu'on se tourne vers elle, c'est-à-dire vers l'autre, cette évidence enjoint les solutions pratiques, diplomatiques, stratégiques. Sans préalable, il faut réparer, autant que possible, partout où il y a encore du réversible, il faut rapatrier, autant que possible, il faut transfigurer les griefs les plus légitimes, il faut surtout partager la terre. Il faut partager ce qu'on nomme dans un vieux langage dont il serait urgent de changer, la souveraineté, en particulier la souveraineté sur Jérusalem et les dits lieux de cultes ou lieux saints, ces lieux où il faut chercher si c'est vraiment de foi abrahamique qu'on entend sincèrement parler, où il faut chercher une inspiration de paix et non de guerre. Il faut traiter ensemble les besoins dont nous savons qu'ils sont communs et réciproques, irréversiblement, il faut traiter autrement l'irréversible, sans perdre son âme. Au contraire, il est peut-être temps de faire de l'a-venir avec du mal irréparable, si l'on veut ne pas perdre encore, avec son âme, sa vie. Au revoir".
---------------------------- Formulations à partir de ce texte (les têtes de chapitre sont entre crochets) :
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Création
: Guilgal |
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Idixa
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Sources DerridaBiblio 2002_DTCDTC ISPACoeurCU.LKD DerridaJuifsTS.LDF DerridaCinemaZJ.LKD YYA.Derrida.2002 Rang = YZDTCPalestineIsraelGenre = - |
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