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Ozzy Gorgo - "L'écranophile", Ed : Guilgal, 1988-2019, Page créée le 14 juin 2021

 

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CinéAnalyse : en laissant les dettes insoldées

The Unbelievable Truth (Hal Hartley, 1989) (L'incroyable vérité) - Une rupture dans la chaîne d'endettement, ça rend libre, il est incroyable que ça puisse arriver

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Ça tourne autour de l'amour, de l'argent, du contrat et de la dette. Le problème d'Audrey (fille d'un garagiste du genre Dupont Lajoie) est : Comment solder sa dette à l'égard de son père? Le problème de Josh est : Comment solder sa dette à l'égard de Pearl? Tant qu'ils n'ont pas payé le juste prix, ils ne peuvent pas s'aimer. Ici, contrairement à Unforgiven (Clint Eastwood, 1992) les dettes finissent par s'annuler, peut-être parce que ceux qui en sont chargés ne sont pas coupables. Josh a tué involontairement la soeur de Pearl (il était saoûl au volant), mais n'a pas tué le père de Pearl, contrairement à ce qu'on lui a fait croire. Il est allé en prison pour ça mais ne le regrette pas : il a expié l'autre crime, le vrai crime, le meurtre de la soeur de Pearl. Le film démontre que le meurtre de père n'est pas un vrai crime. Le vrai crime est le meurtre de la fille. Quant à Audrey, elle n'a pas non plus eu à tuer son père ni sa mère, ils étaient déjà mort.

Quid des parents de Josh? On ne le saura jamais. Il s'est installé dans la maison de ses parents sans vraiment l'habiter. Selon la rumeur, Josh aurait tué son père. Mais cette rumeur est fausse. Quant à sa mère, elle n'existe pas, pas plus que la mère de Pearl. Les mères ne sont même pas absentes : il n'y a pas de place pour elles, il n'y a plus de place pour la mère. L'univers de Hartley n'est pas un univers de banlieues, c'est un univers de parents inexistants (ce qui revient peut-être au même). La banlieue tue la filiation.

Audrey se fait photographier de plus en plus nue à l'instigation de son père, impressionné par l'argent que ça rapporte. Elle ne le fait pas pour elle-même mais pour son père : pour lui rembourser les 11.000$ avec lesquels elle achètera sa liberté, et pour acheter le droit de ne plus penser qu'à la fin imminente de l'humanité.

 

 

On dit quelque part dans le film : Qui n'a rien au départ ne doit rien. J'ignore si c'est vrai. En tous cas Audrey et Josh ont au départ une sacré dette, qu'ils n'arrivent à racheter que par l'intervention d'autrui. Ils démontrent que pour règler la dette, il faut se dépouiller de toute origine. Josh délivre Audrey du contrat de culpabilité en lui faisant comprendre que le contrat paternel (fondé sur le fric) est injuste et immoral. Mais c'est Pearl qui délivre Josh, et non pas Audrey. Pearl savait que Josh n'avait pas tué son père, mais elle a gardé le silence par haine de Josh (qui avait tué sa soeur). Du jour où elle n'a plus eu de haine, elle lui a dit la vérité, et l'a délivré. Est-ce cela the Unbelievable Truth? Est-ce le simple savoir qu'il n'y a pas de meurtre?

Le film porte sur l'inceste, mais quel inceste? Pas à l'égard des pseudo-pères comme Mike le garagiste ou Whitbread le photographe, qui pensent avoir des droits sur leur fille ou leur créature. Ceux-là ne méritent même pas d'être tués. Ils sont hors-symbolique et ne produisent qu'un effet chez ceux qui sont vivants : le pessimisme. Dans le film comme dans la vie, Le pessimisme est un débordement d'amour.

Audrey et Josh ont un point commun : ils aiment les livres. C'est le facteur symbolique qui leur permet de dépasser leur situation d'orphelins. Leurs retrouvailles ne sont pas organisées par leurs parents.

Josh s'habille en noir (comme Audrey). Il est mécanicien, mais tout le monde le prend pour un curé. Pourquoi? A-t-il quelque chose dans le regard? Porte-t-il la renonciation?

L'ultime contrat est le vol de la voiture de Mike. Ce vol est juste car ils ont payé, ils ont donné de leurs corps. Ils peuvent enfin partir pour leur vrai destin : l'errance. Pour le vrai contrat qu'ils ont entre eux : pas de deal. Forclore l'argent de leur relation est la condition de leur amour. A leur façon, ils fondent l'éthiqueGdo. L'éthique d'aujourd'hui suppose un décentrement symbolique de l'argent.

L'incroyable vérité, c'est que Josh n'a pas tué le père de Pearl. La culpabilité si lourde qu'il portait est donc injustifiée. Il peut s'en débarrasser, la jeter au panier.

Un film qui rend gai, qui fait plaisir. Un film qui délivre d'un certain poids.

Audrey est par nature, indifférente à la culpabilité. Elle est innocente, et si le monde s'écroule, ce n'est pas de sa faute, mais elle est quand même dans un système de contrats avec son père, dont elle ne peut pas se débarrasser. Josh, c'est le contraire : il porte en lui l'immense poids de crimes terribles, mais il y a au fond de lui quelque chose d'extraordinairement sincère, d'innocent. Ces deux positions extrêmes se rejoignent dans la conclusion du film. Ils peuvent rompre toutes leurs attaches et s'en aller.

Josh Hutton sort de prison, après avoir purgé sa peine pour le meurtre du père d'une de ses amies. Il retourne dans sa ville de banlieue proche de New York. Là, plus personne ne se rappelle exactement qui il a tué. Il ne boit pas, ne conduit pas sans expliquer pourquoi, mais on peut deviner que c'est sa façon à lui d'expier son crime. Il est si austère qu'on lui demande s'il est prêtre. Tout le monde est en tout cas plutôt circonspect à son égard. Il rencontre Audry, toute jeuine fille qui traverse un moment d'extrême pessimisme. Elle lui propose de travailler pour son père qui tient un garage ce celui-ci accepte, malgré la mauvaise réputation du garçon, parce qu'il ne trouve pas de bon mécanicien, et que Josh est excellent. Un problème commence à se poser quand Audry tombe peu à peu amoureuse de Josh.

 


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