Sans doute l'immense travail accompli par Derrida autour de la question de la signature a-t-il donné lieu à des analyses érudites, des explications ingénieuses, des commentaires savants. Mais ce travail, ou plutôt cette brèche creusée entre l'oeuvre et la signature, n'est-elle pas resté jusqu'à présent close sur elle-même? Considéré plus d'une décennie après sa mort, le résultat est ambigu - pour autant qu'on puisse le contempler d'un seul regard. Les transformations introduites dans la fonction de la signature par le biais de la présentation des textes, leurs articulations, leurs pliures, les renvois complexes et les retraits en abyme, et aussi le contenu, l'insistance sur les bords, les limites et les parerga, ont-ils vraiment entamé sa signature? Ou au contraire le nom de Derrida n'est-il pas été porté à une gloire plus grande encore, plus fastueuse, plus majestueuse, ne brille-t-il pas d'un éclat encore plus aveuglant, fascinant, voire phallique? On peut toujours se poser la question, mais on peut aussi s'interroger sur la suite. La déconstruction à venir, annoncée sur d'autres plans (la démocratie, etc.) pourrait être suspendue à cette question de la signature.
Ce suspens n'est pas accidentel, il est lié au concept derridien d'oeuvre lui-même.
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