Derrida
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                            NIVEAUX DE SENS :

Les collectes de l'Orloeuvre
   
     
Le récit de l'Orloeuvre                     Le récit de l'Orloeuvre
Sources (*) :              
Ouzza Kelin - "Les récits idviens", Ed : Guilgal, 1988-2018, Page créée le 17 février 1997

 

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Il est impossible d'idixer l'Orloeuvre

   
   
   
                 
                       

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Valentin Servanne, le scribe en second, est aussi l'idixeur. Il a pour mission de distribuer des signes distinctifs sur chaque fabrication de l'Orloeuvre en fonction d'un certain nombre de facteurs concourant à définir ce qu'il appelle des réseaux de lignées. Cette opération délicate, obsédante et théoriquement destinée à mettre de l'ordre, a longtemps été appelée indexation, mais ce nom est tombé en désuétude. Elle n'a pas pour but le rangement ni le classement des supports, car on a abandonné depuis longtemps toute idée de retrouver, par exemple, un récit, un graphime ou un énoncement dans le fouillis des productions du Cercle. Son but est de faciliter les liaisons afin d'enrichir n'importe quelle fabrication par n'importe quelle autre. Pour cela, Valentin disperse des marques dont la fonction et la dénomination ont varié avec le temps. Ces marques sont de deux types : les thèmes et les noms. Elles sont supposées caractériser individuellement chaque production du Cercle, et sont reliées à une foule d’autres marques selon le principe de l’hypertexte.

Sans doute le dispositif aurait-il pu aboutir à un classement s'il avait été géré de manière cohérente. En pratique, chaque élément de l'Orloeuvre est affecté de marques successives, et par ailleurs inscrit dans un ou plusieurs systèmes de lignées qui sont autant d'idixations potentielles (la lignée de Laaqib prévaut parfois sur les autres par un phénomène spontané, mais pas automatique). Le résultat est nécessairement flou et inclassable, malgré les velléités de mise en ordre informatique qui s'emparent régulièrement de certains participants et les entraînent dans des tâches surhumaines.

On l'a dit, n'importe quoi peut être reconnu comme fabrication de l'Orloeuvre : phrase, mot, livre, énoncement, illustration, film, objet, etc... Toutes ces productions peuvent être idixées dans une lignée, ajoutées dans une pile ou jetées sur un tas.

Pourquoi expliquer cela sur le ton de la confidence? Pourquoi le dissimuler aux yeux du profane? Parce que le caractère labyrinthique de l'idixation de l'Orloeuvre ne fait que refléter le caractère labyrinthique de l'Orloeuvre elle-même, alors que beaucoup (de profanes) imaginent encore que tout fonctionne selon une logique géométrique. Plus le système est ingérable, et plus il apparaît de l'extérieur admirable et sincère.

En pratique, les marques se font de plus en plus opératives (capables d'associer une production à une autre) et de moins en moins compatibles avec une géométrie de pensée qui a été l'inspiration initiale de l'Orloeuvre.

Cette évolution compliquée est interprétée de diverses façons. Il y a par exemple l'interprétation d'Eglantine : si les personnes ont remplacé dans les lignées les thèmes et les termes abstraits, c'est parce que les lignées se peuplent d'âmes. Il y a aussi l'interprétation par la décadence : on marche à reculons dit Jacques Bardoul. Quand on aura atteint le fond du tas, on reviendra à l'index. Selon l'interprétation post-spinozienne, l'axologie n'a jamais compté, seule compte la signification des textes. Mais Mariette Temis, au contraire, est optimiste. Pour elle, il est fatal qu'on revienne à l'axologie, car il n'y a pas de vie psychique sans axiome. La formation et l'étonnante perpétuation de l'Orloeuvre montre qu'elle n'a pas tout à fait tort.

 

 

Exemple : Laurent Cordelier avait un jour défendu la proposition : La musique contemporaine colle, mais ne lie pas. Il voulait dire que l'usage actuel de la musique pouvait agglutiner les personnes, mais ne pouvait pas constituer la base d'un vrai lien social. En d'autres termes (ajouta Léo Melbou), La musique fait jouir de la norme. Bien qu'elle ait été combattue par une large partie du Cercle, cette proposition a été indexée dans la pile musq. Une pile était à l'époque, et est toujours, un simple tas de propositions non encore organisées en lignées. Petit à petit, un réseau complexe de liaisons a été étendu autour du thème. Albert Egakis (le chycalyste du Cercle) a voulu un jour le compléter par une proposition qui lui semblait complémentaire : La musique est un surmoi communautaire. Un tel surmoi créait, d'après lui, un rapport de glu, de collage, qui pouvait éventuellement être dérivé de la proposition initiale. C'est alors qu'Ingfrid Pollano est intervenu. Prétendant ne pas modifier la proposition de Laurent, il avait soufflé à Mariette (qui tenait ce jour-là l'un des Calepins, mais sans remarquer que Valentin en tenait un autre) : Les temples grecs chantent. Dans son trajet, Ingfrid expliquait que "chanter ensemble est une modalité du collage". Cette thèse, qui semblait construite par détournement des travaux de Pythagore, avait été qualifiée de dérivation et placée en scolie de la proposition de Laurent sous la forme : Le rock fait déchanter. Qu'y a-t-il de plus étranger à un temple classique qu'un concert de rock? Dans ce contexte, la question du plaisir de l'harmonie, inscrite depuis toujours dans la lignée de Iasna, restait inabordée. Rien n'aurait bougé si Armando Benjoz n'avait soutenu (par l'intermédiaire de Garance) son énoncement : La musique nous enveloppe dans sa vase. Pour Armando, il s'agissait de nous : c'est-à-dire de lui-même. Mais son énoncement ne pouvait pas directement se déduire de la proposition de Laurent. Il fallait qu'il donne naissance à une nouvelle lignée de la pile musq, la lignée d'Armando, qui n'était plus de même nature que les lignées antérieures. La vase n'est-elle pas une sorte de glu? Les trois propositions précédentes devaient être reprises dans la dimension de l'enveloppement marécageux qui caractérisait l'alchimie singulière d'Armando et rapprochée de la tetractys, figure de la jouissance parfaite. En principe, il aurait fallu restructurer le tas musq selon l'axe correspondant de l'Orloeuvre. Mais plus personne ne s'y intéressait; la vase d'Armando était devenue le creuset d'un autre processus, et puis ceux qui prétendaient qu'on injuriait la musique en parlant de collage avaient par ailleurs creusé leur propre sillon, qu'il serait trop long d'expliciter dans le cadre de ce court exemple.

C'est ainsi qu'une évolution remarquable (dont Bendito tira plus tard des conclusions majeures) avait fait passer progressivement le gran'faire (autre nom de l'Orloeuvre) d'un codage abstrait (appelé index) à l'évocation des personnes (généralement appelées lignées). Les positions subjectives tenaient lieu d'objectivité, et les singularités de généralités. Après divers remaniements, on commença à subodorer la valeur de transmutation du nouveau codage, qui outrepassait les aspects pratiques de l'association et du marquage. Plus le nombre de participants du Cercle augmentait, plus le caractère fictif du travail d'idixation (car à cette époque, l'idixation avait remplacé l'indexation) devenait évident, et plus se démultipliaient les lignées.

Autre exemple : la proposition Ce par quoi le son se produit n'a jamais retenti avait été introduite et (mal) défendue par Nikita Bavel. Ce qui concernait l'innommable était longtemps resté marqué de l'index consonantique "nnmm", en rapport avec le nom, l'indicible, l'anonymat, l'irreprésentable, etc... Jusqu'à ce que Nikita Bavel se soit spécialisée dans la gestion de cet index de façon si usuelle qu'on en vint à parler de la lignée Nikita à la place de l'index nnmm. Mais pour ceux qui étaient indifférents à la focalisation sur le trou initial du son (qui fonctionnait comme axiome de la lignée Nikita), ou plus bêtement pour ceux qui en ignoraient l'existence, l'index nnmm (parfois réduit à nmm ou nnm) continuait sa vie propre. De fait, Nikita était incapable de passer de l'innommable à l'anonyme, malgré l'évidente relation entretenue par le Contemporain entre ces deux termes. Le Contemporain est une société anonyme disait Roland Xaintrailles, en rapprochant l'énoncement du trou nikitien, au grand scandale de Nikita qui détestait la sociologie sous toutes ses formes. Si l'indicible possède une réalité quelconque dans le social, c'est bien sous forme de société anonyme! D'ailleurs l'informatique n'a pas d'autre sens : elle ne préserve pas l'anonymat, elle fait pire, elle forclot le nom. Après ça, il fallait bien admettre l'existence au moins potentielle d'une lignée Roland; et parmi ceux qui s'étaient repérés sur Nikita, beaucoup changèrent complètement de cheval. Ce fut le cas de Shanda Lossleev, qui commençait à être influencée par Amarante et les chibyllins, mais n'anticipons pas.

Autre exemple : lorsqu'Eglantine Mainguy et Ingfrid Pollano s'opposèrent de façon violente et durable sur la question de l'âme, on oublia l'ancienne indexation et l'on prit l'habitude de distinguer deux lignées "âme", une lignée Eglantine fortement ancrée dans la pratique du gran’faire, et une lignée Ingfrid dans laquelle l'errance des âmes avait pris l'aspect boursouflé et l'odeur d'une histoire contemporaine du savoir. Ces deux lignées ne communiquaient nulle part (sauf, bien entendu, dans la pile “âme”, à ne pas confondre avec la lignée).

Valentin suffit de moins en moins à la tâche et finit même par s'en désintéresser. Comme la massorah de l'histoire biblique, l'idixation devint aussi compliquée que l'Orloeuvre elle-même et ne conserva son intérêt que pour les spécialistes et les amateurs d'un certain baroque.

Plus tard, la lignée devint à son tour trop complexe. Il fallut revenir à la pile. Les piles les plus récentes, quoiqu'inorganisées (conformément à la définition de la pile) croisaient trois ou quatre, voire une dizaine de lignées. On les désigna par des pseudo-index ou des constructions consonantiques dépourvues de sens (du genre nnmm ou fmm) dont l'intuition s'était perdue et qu'on remplaça peu à peu par des noms de participants actifs dans l'élaboration de ces piles.

Par exemple, la pile femme, où était à l'origine entassé tout ce qui concernait de près ou de loin l'idée féminine : (Exemples : Anorexie, Boulimie, Couple, DiresDeFemmes, Elle, Féminisme, Fente, Fille, Frigidité, Homme, Hommelle, Hystérie, Lilith, Mère, MèreCtp, Mèremorte, Naissance, Phimat [il s'agit du phallus supposé à la femme par les pervers], Prostitution, Sein, Sexes, Soeur, Vulve, etc...) avait fini par être appelée tout simplement fmm, de façon qui faisait parfois penser à l'indexation originelle mais s'en éloignait par le caractère plus désordonné du tas par rapport à l'axologie initiale. Et puis, chacun savait que l'essentiel de ce qui concerne la femme devait être trouvé dans la pile vlv, c'est-à-dire (après revocalisation) : Vulve, et que la lignée de Tjara (il s’agit de Tjara Omshak) en incarnait plusieurs noeuds, concurrencée par Mariline (Mariline Coopers, bien sûr).

 


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