La question de la justice se pose quand quelque chose ne va pas. Ça va mal, il y a du défaut, du désajusté, de l'injuste. Il y a de l'autre qui nous déborde infiniment. On peut répondre à ce déséquilibre de deux façons : par le droit, qui vise la réparation, la concorde et l'harmonie, mais ignore la singularité de cet autre; ou par l'ouverture à l'hétérogène, quel qu'il soit, à cet unique dont le désajointement est la trace, le symptôme. Rendre justice, c'est sanctionner, châtier, mais c'est aussi laisser venir l'événement, quasi-messianique, au-delà du droit; c'est laisser venir cet arrivant inanticipable que le droit ou la légalité ne peuvent qu'ignorer.

Quelque chose dans le présent ne va pas comme ça devrait aller. C'est l'adikia grecque, l'injustice, un moment transitoire, disjoint, qui ne pousse ni au pessimisme, ni à l'optimisme, mais annonce, fait appel, à partir du passé, à ce qui n'est pas encore venu. Il faut réorganiser le temps présent, donner à l'autre ce qui lui est propre à lui.