Quelqu'un demande à Jacques Derrida pourquoi il utilise ces mots-là, pur, infini, lourds à porter, pour parler d'hospitalité. Il répond que ce dont il parle, l'hospitalité pure ou infinie, se situe au-delà des conditions posées usuellement (dans la vie courante). L'hospitalité est impure si je la soumets à des conditions : me respecter, ne pas abîmer ma maison, accepter ma culture, me rembourser de mes efforts sous une forme un une autre. Elle est pure, c'est-à-dire infinie, si j'accepte l'autre comme tout-autre, c'est-à-dire comme irréductiblement différent de moi. J'offre ma maison, mon chez moi, ma langue, ma nation, et même au-delà de ce que je peux donner. Il n'y a pas de limite à l'hospitalilté pure; la limiter, c'est y renoncer.

---

Ces mots-là, pur ou infini, désignent le concept par opposition à la pratique courante, quotidienne. Il ne s'agit pas de pratiquer l'hospitalité pure, il s'agit d'en établir le concept. De même que le concept pur du vide n'implique pas qu'on puisse réaliser un vide pur, le concept pur de l'hospitalité n'oblige pas à pratiquer tous les jours l'hospitalité pure -, sans renoncer pour autant à l'idée messianique.

Ce concept, Derrida ne le considérait pas comme stable. Il y a toujours risque de perversion par l'hospitalité conditionnelle : l'hospitalité est pervertissable et perfectible.