Quand je parle, j'entends ma gorge vibrer du dedans. Cette voix est la mienne. Elle ne se superpose à celle d'aucun autre. Incomparable, elle m'affecte directement, sans aucun détour.
Par cette faculté par laquelle je m'entends doublement, une fois de l'intérieur et une autre de l'extérieur, je diffère d'autres êtres sonores comme le cristal et le métal. C'est ma particularité, mon propre, mon être. Mon audition a une structure auto-affective qui rend la bouche et l'oreille indissociables. C'est l'essence de la parole.
Cette voix, qui est la mienne, est en même temps intercorporelle. C'est une chair qui a deux côtés comme un corps (senti et sentant), qui unit le parlant et l'entendant. Elle est le point d'insertion du parler et du penser. Le visible et le sensible s'y enroulent sur eux-mêmes, donnant le modèle transcendantal du manger, du baiser, du se toucher.
Au plus proche de moi, j'ai la certitude de m'entendre. C'est la condition de toute idée et de toute vérité, de l'idée même de vérité. Le logos y est présent à soi-même dans le signe et la signification. Il peut se produire comme histoire et comme phénomène.
Quand j'entends l'autre, ses vociférations produisent en moi leur écho moteur. C'est effrayant et familier.
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