Lévinas veut relever la métaphysique de sa subordination au logos grec. Il accomplit un geste opposé à celui de Husserl ou de Heidegger, qui cherchent à réduire la métaphysique en revenant à la tradition ontologique grecque. Il propose de s'appuyer sur un autre lieu qu'on peut nommer : parole prophétique, eschatologie messianique, tradition juive, tout en restant danns le discours philosophique, ce qui témoigne de son lien maintenu à la tradition grecque. En d'autres termes, parlant grec, il appelle à quitter le lieu grec, assimilé à la domination du Même et de l'Un, de la guerre, de la totalité. Il appelle à l'éthique en l'appuyant sur la seule pensée.

Jacques Derrida qualifie cette démarche d'"inouïe" car en appelant à la dislocation du logos grec, c'est notre propre identité, et même "l'identité en général" qui risque la dislocation. En effet qu'est-ce que l'autre du Grec? Il ne s'agit pas de lui opposer une autre identité (par exemple hébraïque, juive, ou religieuse, ou morale), il s'agit de s'expliquer avec la parole grecque. C'est un autre à-venir, messianique, en tous cas c'est le mot qu'utilise Derrida, même si Lévinas lui-même ne l'emploie pas.