Derrida
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TABLE des MATIERES :

                            NIVEAUX DE SENS :

 DERRIDEX

Index des termes

de l'oeuvre

de Jacques Derrida

Un seul mot - ou un syntagme.

         
   
Derrida, la voix                     Derrida, la voix
Sources (*) : La pensée derridienne : ce qui s'en restitue               La pensée derridienne : ce qui s'en restitue
Pierre Delain - "Les mots de Jacques Derrida", Ed : Guilgal, 2004-2017, Page créée le 26 août 2005 Derrida : une voix qui ne s'efface pas

[Derrida, la voix]

Derrida : une voix qui ne s'efface pas Autres renvois :
   

Derrida, la bouche

   

Derrida, la parole

   

Derrida : s'entendre parler

Derrida, le logos, logocentrisme Derrida, le logos, logocentrisme

Derrida, la linguistique, le langage

Orlolivre : comment ne pas parler?               Orlolivre : comment ne pas parler?    
                       

1. S'entendre parler.

Quand je parle, je m'entends parler (doublement). D'un côté, à l'intérieur, j'entends ma voix. Rien n'est plus proche de moi que cette écoute qui ne présuppose aucun détour par aucune extériorité. Ma voix se passe de tout contenu externe, elle ne prend rien à l'extérieur, elle garde le dedans de moi, dans l'intimité de ma propre vie. C'est l'auto-affection de la voix, qui selon Jacques Derrida est absolument pure. Mais d'un autre côté, en m'exprimant par ma bouche, j'émets un son, et j'entends cette voix qui revient vers moi à partir de l'extérieur. Ma position est alors la même que celle de n'importe quel autre exposé à cette voix. L'auto-affection est inséparable d'une hétéro-affection. Le dédoublement du s'entendre parler se traduit par un décalage, un mouvement différentiel, une différance. C'est cette expérience qui produit le sujet et la conscience, dans un rapport à soi qui est aussi différence d'avec soi.

Par son lien privilégié au sens, la voix apparaît comme la gardienne de la présence, indéfectiblement complice de l'idéal. Sa puissance ne peut s'expliquer ni par la physiologie, ni par la phonétique, ni par aucune science objective : elle tient à sa capacité à exprimer, par un acte qui lui est propre (la parole vive), l'idée de l'objet, à unir la vie et l'idéalité, l'élément phonique et les objets idéaux hors du monde. En tant que spiritualité vivante, chair transcendantale qui assure la possibilité de l'être, énigme qui répond à l'indiscernabilité de la conscience et du langage, elle conditionne l'idée même de vérité; Jean-Jacques Rousseau croyait que la voix intérieure ne mentait jamais.

Il y a dans la voix quelque chose d'unique qu'elle partage avec le temps - et aussi peut-être avec la vie. C'est un pur mouvement engendré par rien, dont on ne peut parler que par métaphore. Vécu dans une proximité immédiate, hors-monde, il ouvre la possibilité d'apparition d'un monde. La voix est toujours disponible. D'un côté, chacune de ses émissions est une nouveauté absolue (singularité); mais d'un autre côté, dans la présence, elle peut toujours se donner à l'identique et sans limite (universalité).

La voix est à la fois un organe, un processus corporel (la bouche, les lèvres, le larynx et aussi la succession visuelle des mots dans l'écriture, entre l'oeil et la main) et un lieu idéal où, sans le concours d'aucune surface, se produit la transcendance. Par elle s'expriment la loi naturelle et la liberté. Par elle transitent les expressions qui sont aussi celles du visage : l'empathie, la pitié, la peur, l'angoisse.

 

2. Itération, la voix de l'autre.

Il aura fallu que, près de moi, j'entende la voix d'un autre, d'un ami qui m'aura ouvert l'oreille. Cette voix à la fois intérieure et extérieure, je l'aurai portée moi-même. Elle ne m'aura rien dit, elle aura gardé le silence, mais elle m'aura fait venir à l'écoute, à la compréhension, à l'appartenance.

Ma parole entendue en l'autre répète le mouvement d'auto-affection que j'entends en moi, mais elle le répète ailleurs, autrement. En redoublant le mouvement initial, elle ouvre une possibilité d'itération. En tant que promesse tournée vers l'avenir, un vouloir-dire ou une intention ne peuvent jamais être pleinement actuels, totalement présents à leur objet. D'avance, ils sont écartés d'eux-mêmes, différantiels (loi de l'itérabilité).

 

3. La voix du logos, le phono-phallogocentrisme.

La tradition occidentale repose sur la présence de la voix. Il faut que la chose se présente, ici et maintenant, pour que soit rassemblé dans le logos tout ce qui produit, reçoit, dit et rassemble le sens. C'est la raison, la loi morale selon Kant qui parle en chaque homme sans équivoque et légitime un savoir-vivre, une sagesse. La voix valorise l'intelligible au détriment du sensible, l'idée au détriment du corps, elle sépare le signifié du signifiant. Par le verbe "être" qui l'unit à la pensée, dans l'évidence de sa présence à soi-même, elle se présente comme pouvoir sur le signifiant, maîtrise technique. Ainsi la raison et l'écriture sont-elles subordonnés à l'auto-production du logos.

Sur la présence de la voix, s'édifie le phallogocentrisme, le lieu idéal du phallus (voir ici).

 

4. Portée de la voix, gramophonisation.

Autour de la voix, dans la proximité immédiate d'un voisinage, se dessine l'espace de la communauté, des pratiques sociales, de la fête, où chacun doit se situer à portée de tous les autres. Or il arrive aujourd'hui dans cet espace un changement radical, un événement sans précédent (dixit Derrida). Par le téléphone, la radio et les autres systèmes audio-télé-visuels développés par les techno-sciences (y compris le cinéma ou l'Internet), on enregistre, on archive, on diffuse la voix en donnant l'impression ou l'illusion qu'elle est présente, vivante. Cette voix reproduite, gramophonisée, organise désormais l'espace. Il ne s'agit pas seulement d'aller plus loin, d'étendre sa portée, il s'agit de faire croire, ici et maintenant, à la présence unique, irremplaçable, "en direct" ou en "temps réel", d'un locuteur. Certes cette parole, présentée comme immédiate, n'est qu'un appareillage, un artefact, une restitution pseudo-vocale. L'acquiescement est mécanique, automatique, mais cela n'annule pas le phénomène essentiel : un effet de croyance qui perdure, une réitération de la voix, chaque fois produite de nouveau.

 

5. Représentation.

Pour échapper à l'obscurité, les prisonniers de la caverne platonicienne font appel à la voix (et à son corrélat, les idées). Mais celle-ci ne peut pas rendre présentes les sensations et intuitions. Elle ne peut promettre qu'une seconde présence dans la représentation. Comme présence à soi immédiatement audible, elle met le signifiant à l'abri, hors du monde. A l'origine de la parole, sous son apparenté dignité, elle installe une fiction, un simulacre, un mensonge, un leurre. Si elle réussit, c'est la différance elle-même (le travail du signifiant) qui est supprimée, la chose même est dérobée.

La voix protège sous un voile une vérité qui ne peut pas être mise à nu.

 

6. Clôture du logocentrisme.

Depuis le 17ème siècle, on dénonçait comme une déchéance la non-présence à soi, l'éloignement de la voix et de la vie. Aujourd'hui l'autre écriture, l'archi-écriture, active depuis l'origine, multiplie les voix polyphoniques. En mathématiques, en biologie ou sur le mode du jeu, de nouvelles pratiques d'écriture étrangères à l'ordre de la voix se développent. Nous y sommes livrés, comme nous l'avons toujours été, mais sans le soutien d'un archonte ou d'un père qui pourrait garantir une vérité.

Le phono-logocentrisme qui a dominé la culture de l'aire euro-méditerranéenne pendant près de 3000 ans se disloque. Toutefois ce n'est pas (ou pas seulement) une question d'époque. Sa clôture n'est pas sa fin. En se détachant et en se libérant de sa complicité avec le logos, la voix peut renouer avec le corps. Dans ces moments de crise, la pensée n'est plus soumise à l'obligation de se totaliser.

Quand une voix devient lisible au-delà de sa date, autre chose commence. Dans l'écart entre la date conventionnelle, celle du calendrier, et l'autre date, un certain cryptage, une indétermination, s'intercalent. On peut nommer cela poésie ou, parfois, philosophie.

Avec la dislocation des limites traditionnelles, le brouillage des frontières et des concepts, une bouche béante, sans voix, hurle dans le chaos d'aujourd'hui. Ce sans-voix (ou voix blanche) peut se présenter comme je, il peut s'exposer, se dessiner. S'il vient, c'est comme un autre (un tout autre), un spectre qui troue l'écriture.

 

7. Plus d'une voix.

Les voix ne sont pas identiques. Il y a pour chacune un ton, une singularité, un secret, un mystère, un écart indéfinissable, séduisant, menaçant ou dangereux. A qui cette voix s'adresse-t-elle? On ne peut jamais le savoir à l'avance. Le destinataire peut changer, errer, y compris dans un monologue, quand la voix du début s'éloigne de celle de la fin.

L'histoire de la voix est celle de l'esprit qui continue de parler, comme un spectre dont nous serions légataires, génération après génération. Même si nous la craignons, même si nous voulons l'exorciser, elle parle encore et toujours, elle se mêle à d'autres voix. Exemples : la voix puissante du souverain (Hobbes) qui continue, dans les nationalismes actuels, entre la bouche et l'oreille, à vociférer, à dévorer; ou les différentes voix de Marx, entre lesquelles nous sommes toujours appelés à choisir. Il nous faut apprendre à nous adresser à ces voix, dans leur multiplicité et dans plus d'une langue.

Il y a, dans toute lecture, toujours plus d'une voix intraduisibles entre elles. Il faut les traduire - c'est le début de la déconstruction.

Une voix sans différance, sans écriture, serait celle de la fin de l'histoire. Dans la panique et l'exaltation, Artaud a rêvé d'une telle voix. Ses proférations visaient la destruction du langage et de la représentation. Cette voix sans parole, qu'on a considérée comme folle, continue à se faire entendre. Impossible de la faire taire.

Y aura-t-il, un jour, une dernière voix, un dernier mot de la voix? Une figure ou une écriture qui serait celle de la mort de ma voix, la mort du moi-même comme tel?

 

8. La voix tremblante, idiomatique.

La voix n'a jamais été intacte. Il suffit d'une lettre pour la troubler, la parasiter, brouiller son audibilité. Il suffit d'un arrêt, d'un espacement, d'une consonne, d'une articulation ou d'une phrase pour l'altérer. L'écriture l'affecte, la contamine, l'énerve. Dans la voix la plus nue, dans une simple copule, il y a déjà du supplément. Sans organe et sans instrument, en elle, le pharmakon agit. En saisissant le sens, elle l'engage l'espace, le monde et le corps dans le mouvement de la différance. Infiniment surabondante, par la parole, la poésie ou l'art, elle donne sans réciprocité.

Quand on entend sa [propre] voix, on est saisi d'un malaise. Cette voix incontrôlable, qui se parle à elle-même, je la reconnais, mais elle ne m'appartient pas. Ma "propre" voix me semble étrangère. C'est la voix d'un autre qui m'entraîne ailleurs, dans un mouvement incertain, qui pourrait virer à l'eschatologie ou l'apocalypse. Je voudrais éviter de lui laisser libre cours, mais c'est impossible. Quelque chose résiste. Au prononçable de cette voix, à sa présence, s'est ajouté de l'imprononçable, du schibboleth. Cette trace qui parle pour ne rien dire, qui promet mais ne promet rien, on peut la nommer Dieu (lui seul peut concilier la franchise de l'expression, la présence continue à soi et l'indicible). Son propre, sa justesse, c'est qu'elle n'a rien en propre.

Même là où elle n'est pas attendue, recouverte ou exclue, elle revient. C'est l'autre voix idiomatique, fantômatique, tremblante, qui se cache dans les institutions, les systèmes ou les textes philosophiques. Il faut, dit Derrida, la retrouver. En tous cas c'est la tâche qu'il se donne à lui-même, une tâche nécessaire, un désir, un rêve, une promesse, et aussi la seule jouissance pensable. Illisible, inouïe, immaîtrisable, cette voix cachée ne se donne qu'en des lieux énigmatiques. Elle peut se manifester comme voix intérieure et aussi venir de voix extérieures, par exemple celles des réseaux, des systèmes technologiques, gramophoniques voire téléphoniques. On l'entend sans l'entendre (Babel). En-dehors de tout sens, par sa seule résonance, elle supplée à la présence.

 

9. Ambiguités de la voix derridienne.

La voix reste un point aveugle de l'oeuvre de Jacques Derrida. Omniprésente, objet ambigu de son désir, elle occupe le statut inconfortable de bord interne-externe de la déconstruction. Soit elle est indéconstructible et menaçante, soit sa déconstruction nous précipiterait vers l'innommable. Soit elle est incirconcise (la voix présente ou celle des Ephraïmites), soit elle est circoncise (elle hérite alors d'autres voix, comme celles des quatre rabbins du Pardès), soit elle est vouée à la tâche de circoncire la parole - c'est ce que Derrida nomme l'autocirconcision. Il aura tenté, par son œuvre, d'autocirconcire la voix.

 

 

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Propositions

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La voix opère comme auto-affection d'une différence pure

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Qu'en est-il de la voix et du temps? Tous deux reproduisent l'auto-affection pure, ce pur mouvement qui n'est engendré par rien, et dont on ne peut parler que par métaphore

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Quand "ça parle" ou "ça exprime", la bouche s'affecte elle-même puisqu'elle ne prend rien au-dehors et prend plaisir à ce qu'elle met dehors

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L'auto-affection pure de la voix rend possible la subjectivité

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La voix est vécue comme une auto-affection absolument pure d'un type unique, car "je m'entends parler" sans aucun détour ni par le monde, ni par le non-propre

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L'écriture alphabétique s'est imposée car elle est liée à l'événement de la voix dans une auto-affection supposée vivante

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Un sujet n'est possible que par un double mouvement : une auto-affection qui, en lui, produit le monde - et la répétition immédiate en l'autre du "s'entendre-parler"

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La voix est un élément que j'exprime et qui ne cesse de m'appartenir

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La voix, contrairement à l'écriture, garde le dedans en soi alors même qu'elle l'émet au-dehors

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Le "s'entendre-parler" de la voix est absolument dépourvu de surface, intérieure ou extérieure

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Quoique pris dans la présence à soi du logos, le nom propre renvoie toujours à une figuration, une inscription idéogrammatique irréductible à la différence phonétique

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Pour les autres, la voix est ce qu'il y a de plus identifiable; mais pour soi, au contraire, elle est ce qu'on ne peut pas se réapproprier

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La voix simule la garde de la présence

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La voix est un acte vivant absolument proche de moi

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Le privilège de la présence comme conscience ne peut s'établir que par l'excellence de la voix

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La voix est la conscience, elle est l'être qui s'exprime auprès de soi, dans la forme de l'universalité

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La voix est l'énigme qui répond à l'indiscernabilité de la conscience et du langage

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[L'expression est, chez Husserl, une profération qui porte au-dehors un sens déjà constitué à l'intérieur - et s'épuise dans cet acte improductif]

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La voix comme présence à soi met le signifiant à l'abri, hors du monde, dans un vécu où la différance est supprimée

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Pour Husserl, l'expression est l'acte intentionnel d'un soi qui extériorise un sens par une voix, proférée ou non

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Husserl espère que, dans le soliloque - la voix absolument basse de la "vie solitaire de l'âme" - se révèlera la pureté inentamée de l'expression

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La voix rend disponible l'idéalité de l'objet

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La complicité entre l'idéalisation et la voix est indéfectible

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Entre les motifs du voile et de la voix, il y a une complicité structurelle

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La voix s'entend au plus proche de soi, comme l'effacement absolu du signifiant, qui est la condition de l'idée même de vérité

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L'aveugle, comme le dessinateur, se sert des mains pour échapper à l'obscurité, tandis que les prisonniers de la caverne platonicienne font appel aux idées et à la voix

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Apparemment, la voix est immédiatement transcendantale

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La dignité de la voix par rapport à toute autre substance signifiante est sa transcendance apparente

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Animée par l'intention, par le souffle, la voix devient phonè, chair transcendantale, spiritualité vivante

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La voix donne aux sensations et intuitions une seconde présence, qui vaut dans le domaine de la représentation

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La différence signifié/signifiant appartient à l'époque du logos, celle de la proximité absolue de la voix, de l'être et de l'idéalité du sens

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Chacun écoute, près de lui, à travers l'oreille, la voix d'un autre singulier qui, en tant qu'ami, lui dicte un sens et le fait venir à l'appartenance

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La voix est l'unique instance qui échappe à la distinction entre le monde et la transcendantalité

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La phonè est l'élément phonique de la voix, en tant qu'il est immédiatement présent dans l'expression du sens

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L'écriture alphabétique saisit la voix ou la langue dans l'événement singulier d'une phrase

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La "phonè" comme parole vivante, spiritualité du souffle, unit la vie et l'idéalité

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L'énigme de la voix, c'est que sa puissance ne peut s'expliquer ni par la physiologie, ni par la phonétique, ni par la phonologie, ni par aucune science objective

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La répétition de la voix se donne comme une maîtrise ou un pouvoir sans limite sur le signifiant

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Notre époque est celle de la voix - quand la technè et la phonè s'unissent dans la forme de la présence

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Une coupure intervient au 17ème siècle dans la tradition logocentrique : on dénonce comme déchéance la non-présence à soi, l'éloignement de la voix et de la vie

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Dans son essence, la phonè a rapport au logos, à tout ce qui produit, reçoit, dit et rassemble le sens

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Le logos ne peut se produire comme auto-affection qu'à travers la voix, dans l'évidence de la présence à soi-même

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Comme la loi morale, la raison pratique, qui commande sans rien échanger, s'accorde à l'essence de la voix

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Le logos, qui est la parole comme auto-affection, se produit dans l'histoire par le détour d'une écriture, en rendant la voix à un silence dynamique

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Entre la bouche et l'oreille, la puissance de dévoration / vocifération du souverain oblige à entendre, écouter, obéir

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La philosophie commence quand une voix devient lisible au-delà de sa date

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Le verbe "être" est l'unité de la pensée et de la voix dans le logos

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A l'époque de la voix, la maîtrise technique est une mise en présence universelle et illimitée de l'objet idéal

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Aujourd'hui l'avènement du jeu déborde le langage; il révèle l'écriture première par-delà la liaison phonocentrique du langage et de la voix

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Les voix se distinguent des sons par cela même qui permet l'écriture, à savoir la consonne et l'articulation

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Une lettre parasite la pureté intérieure : elle s'installe pour brouiller l'audibilité de la voix

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L'écriture énerve la voix

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Par l'opération de la voix, le sens - ainsi que la présence, l'espace, le monde ou le corps - sont l'oeuvre du mouvement de la différance

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L'histoire de l'esprit n'est pas séparable de l'histoire de la voix

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Il y a dans les textes philosophiques une voix cachée, une parole dissimulée que l'institution universitaire vient recouvrir avec une violence inouïe

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La voix phénoménologique est la chair spirituelle qui continue de parler, d'être présente à soi, de s'entendre dans le logos, en l'absence du monde

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Même par la voix nue, sans organe ni instrument, le pharmakon agit

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La suspension de la voix représentative ne tue pas toute voix, mais donne lieu à une voix sans auteur, non plus verbale mais polyphonique

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Dans l'écriture, le plus difficile est l'adresse : accorder le ton à l'autre, dans la multiplicité de ses voix

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La voix a toujours été investie, sollicitée, requise, marquée dans son essence par une certaine spatialité

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La fête en plein air est l'élément de la voix, la liberté d'un souffle que rien ne hâche

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L'enregistrement de la voix est l'un des phénomènes majeurs du 20ème siècle

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Miracle des télé-technologies : avec l'enregistrement de la voix, un autre présent-vivant unique, irremplaçable, est archivé et spectralisé, auquel on peut croire ici et maintenant

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La voix n'ajoute pas quelque chose au cinéma, elle "est" le cinéma, non pas reproduite mais chaque fois produite de nouveau

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Une photographie est morte, tandis qu'une voix archivée reste vivante; on y entend comme le rapport à soi

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L'époque où la parole s'étend au-delà de la présence du sujet parlant est aussi celle où se répandent les pratiques d'écriture étrangères à l'ordre de la voix

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La voix est le lieu idéal du phallus - sur sa présence s'édifie le "phallogocentrisme"

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Dans un texte, une voix parle et fait entendre un désir : avec elle résonne un ton, une position incontrôlable

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Nous sommes livrés aux voix des spectres dont nous héritons

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On ne peut s'adresser au spectre qu'en le nommant, par la voix, dans la singularité d'un lieu de parole ou d'un lien de filiation

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La voix pénètre violemment en moi, elle est la voie privilégiée pour l'effraction et l'intériorisation

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Karl Marx exige que tu hérites de lui, mais ses voix sont hétérogènes : il y a plus d'un Marx entre lesquels choisir

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Une conjuration est un appel pour faire venir par la voix un spectre afin de l'exorciser

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La voix se donne dans la conscience, comme phénomène en-dehors du monde

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Le monde n'est rien d'autre que le dehors de la voix

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Dans la voix, la présence de l'objet disparaît déjà, elle dérobe la chose même

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Le pouvoir de la voix réside dans son double rapport à l'objet : préserver sa présence; l'exprimer par un acte qui lui soit propre

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[La structure du "s'entendre parler" (quand le sujet parlant s'entend au présent) est l'essence de la parole]

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L'intention ne peut jamais être pleinement actuelle, totalement présente à son objet; par son itérabilité vers l'autre, elle est d'avance écartée d'elle-même, différantielle

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Jean-Jacques Rousseau croyait que la voix intérieure ne mentait jamais

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L'éthique de la parole vive entretient un leurre : celui d'une présence maîtrisée à portée de voix, dans la proximité immédiate d'un voisinage

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La voix se donne toujours comme la meilleure expression de la liberté

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Pour Kant, la bouche n'est pas un organe comme les autres : à partir de la voix s'organisent tous les lieux, se localisent tous les organes, se hiérarchisent toutes les valeurs

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Pour Rousseau, la pitié comme loi naturelle, originelle, inexorable, dont toute institution est le supplément et la suppléance, est portée par la voix

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Le visage ne signifie pas, il s'exprime, il est derrière le signe, il se donne en personne, comme la parole vive ou la voix

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Les Ephraïmites, qui ne peuvent pas prononcer schibboleth, sont incirconcis de la voix - comme on peut l'être des lèvres, de la langue, des oreilles ou du coeur

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La déconstruction, ce n'est pas seulement plus d'une langue, c'est déjà plus d'une voix

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On ne peut déconstruire la transcendance de la voix sans s'enfoncer vers l'innommable

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La voix reste non-déconstruite chez Derrida

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J'ai élargi la notion de trace jusqu'à y inclure la voix elle-même

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La seule jouissance pensable, c'est celle d'une voix purement idiomatique, fantômatique, tremblante : un désir, un rêve, une promesse, une Nécessité

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Tous les réseaux de communication et de traduction, gramophoniques ou téléphoniques, attendent l'arrivée du prophète Elie : la promesse d'une voix extérieure

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Par sentence, affirmation, déclaration, la voix blanche de l'apophase consiste à aller toujours plus loin qu'il n'est raisonnablement permis

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Le schibboleth de Jacques Derrida est sa voix, envahissante et imprononçable

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Dans la pensée de Jacques Derrida, la voix résiste

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Le leurre dont a vécu le premier livre est un centre où disparaît la parole vive, qu'on peut invoquer mais non répéter

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Dans le corps de l'inscription, qu'elle soit graphique ou acoustique, la différance reste invisible, inouïe

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[L'art d'Artaud, au-delà de l'art, repose sur la puissance d'ébranlement d'une force [la voix-souffle] qui déchire le langage et détruit la représentation]

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Une voix sans différance, absolument vive et absolument morte, accomplit le savoir absolu

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La voix d'Artaud nous enjoint d'exiger le "coup" singulier, l'événement, contre la reproduction technique, génétique ou généalogique

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Artaud n'écrit jamais "sur" ses dessins mais seulement "à même", dans l'extrême tension d'un rythme, d'une vibration, d'un timbre de voix qui donne au subjectile sa portée

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Dans le théâtre d'Artaud, une loi est remplacée par une autre : la voix qui commande aux signes est destituée pour celle qui commande au souffle

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Avec la dissolution des concepts classiques d'ennemi, de politique, d'hostilité, s'ouvre une bouche béante, sans voix, qui hurle dans le fond sans fond du chaos d'aujourd'hui

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La forme la plus générale du "supplément de copule" est la phrase nominale où la fonction "être" est assurée par un arrêt de la voix, le blanc d'un espacement

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L'événement du Ich - ce "je" que, à travers Adami, Derrida expose comme un autre -, c'est que le sans-voix troue son écriture

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Après la fin du savoir absolu, il reste à faire résonner la voix pour suppléer l'éclat de la présence

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Pour Dieu seul, la franchise de l'expression est du côté de la parole vive

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Le Dieu derridien : ni témoin, ni voix, ni loi transcendante, ni présence immanente, ce serait une figure féminine de Yhvh qui, sans rien dire, circulerait entre les inavouables

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Comme la voix, la nature et le souffle sont réglés sur un modèle onto-théologique : expérience de la présence continue à soi qui n'est accordée qu'à Dieu

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La confusion babélienne se joue entre la parole et l'écriture : la différence phonétique s'entend par la voix, mais la graphie ou la lettre passent l'entendement

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Double bind de la théologie négative : son autorité lui vient de son désir de dire, par sa bouche et d'une voix juste, le propre de Dieu - qui consiste à n'avoir rien en propre

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Le juif pleure la voix perdue en larmes noires comme trace d'encre

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Un rabbin est un sage investi du droit de circoncire la parole

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Et Derrida s'exclama : "Mais je n'ai jamais rien dit contre la voix!"

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Derrida : "J'ai été le premier à avoir peur de ma voix, comme si elle n'était pas la mienne" - car le barrage devant son rythme, son timbre et son intonation risque toujours de céder

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La voix, qui meurt quand elle s'entend, est eschatologique en elle-même : c'est toujours la première et la dernière voix

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La voix oraculaire, étrangère à la raison et à l'essence de la voix, annonce sur un code privé la venue d'un secret mystérieux, sans concept : un mal, une apocalypse

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Au fond de moi, je suis plus que tout autre un métaphysicien de la présence : je ne désire rien de plus que la présence, la voix, toutes ces choses auxquelles je m'en suis pris

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Jacques Derrida réactive indéfiniment l'effet de circoncision : il mêle sa voix à celles des quatre rabbins du Pardès

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