▶︎ I'm not there (Todd Haynes, 2007).
▶︎ Un secret (Claude Miller, 2007).
▶︎ Camille Claudel 1915 (Bruno Dumont, 2012).
▶︎ Jeune et jolie (François Ozon, 2013).
▶︎ L'homme au crâne rasé (André Delvaux, 1965).
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--- Le paradoxe du secret, c'est que, pour qu'il devienne un secret, il faut d'une part qu'on en "entende parler", et d'autre part, aussi, qu'il reste intact. L'oeuvre prend appui sur cette double contrainte (double bind). Un secret qui resterait absolument encrypté n'aurait pas d'existence; tandis qu'un secret prématurément dévoilé annihilerait l'oeuvre. Il faut donc que celle-ci témoigne du paradoxe, sans jamais rendre visible (ou lisible, audible) ce qui la fait oeuvre. Elle s'adresse à un autre (lecteur, auditeur, spectateur ou interprète) qui doit prendre la responsabilité de garder, préserver et traduire (à sa manière absolument solitaire et singulière et unique) le secret; elle manifeste ce dont elle continue à rendre la manifestation impossible.
(L'oeuvre est comme un baiser. On échange les salives, on lèche les langues, on vient à la surface des corps, mais on ne partage rien (pas même les voix), on ne trahit aucun secret).
--- On peut hériter d'un secret sans le connaître, on peut en être dépositaire sans y avoir accès. Bien qu'il ne soit jamais transmis ni communiqué, il produit des effets : un symptôme, un acte, un événement inattendu ou incompréhensible, un poème. Ce qui arrive témoigne de ce secret, mais sans franchir les limites de la crypte.
(On peut exhiber sa personne, montrer à la foule toutes les facettes de son image, dans le seul but de tromper l'adversaire, de protéger le secret).
--- Un secret n'est jamais partagé. L'autre qui est supposé le détenir reste pour nous un étranger muet, un conspirateur suspect, invisible. Il arrive qu'en croyant agir pour nous-mêmes, nous agissions pour cet autre; et il arrive aussi que, sans nous en rendre compte, nous nous sentions coupables pour lui, et que nous payions, à sa place, pour ses fautes. C'est ainsi qu'un secret peut rester scellé, oublié, disparu. Rien n'en transpire, jusqu'à ce qu'il émane d'un événement, d'une oeuvre, voire d'une philosophie, une beauté inexplicable, une incitation, une invitation.
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