Jacques Derrida analyse l'Esquisse, ce schéma proposé par Freud en 1895 pour expliquer la mémoire. Comment expliquer à la fois que la substance qui reçoit la perception reste vierge et intacte, et qu'elle conserve la trace? Freud fait l'hypothèse de barrières de contact. Pour qu'une charge traverse ces barrières, il faut un certain niveau de violence capable de briser leur résistance. Une trace de ce passage s'imprime alors et est conservée (gardée, mise en réserve). C'est ce que Freud appelle le frayage. Dans cette première mise en scène (ou représentation), la mémoire - en tant qu'ouverture à l'effraction de la trace - rend le psychisme possible. Elle est l'essence même du psychisme. Pour qu'elle fonctionne, il faut que les résistances soient inégales, que certains chemins puissent être (re)empruntés et d'autres non. Cela dépend de deux facteurs : quantité et répétition de la force. Sans ces différences (insaisissables, invisibles), le frayage ne serait pas effectif.

Le principe d'inertie (selon lequel la vie cherche toujours à se débarrasser des quantités pour revenir soit à un niveau nul, soit à un niveau constant) implique que tout investissement puisse être vécu comme dangereux, menaçant. Par le frayage [dont on voit ci-dessus un schéma dessiné de la main de Freud], l'investissement est détourné, reporté, différé. Qu'en reste-t-il? Une trace.