Derrida
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Cézanne, la promesse                     Cézanne, la promesse
Cézanne, pommes et autres objets               Cézanne, pommes et autres objets

 

Jeune homme a la tete de mort (Cezanne, 1895-96) -

La peinture ne dit rien, mais résonne

   
   
   
                 
                       

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C'est une image silencieuse. Elle résonne de silence : silence du crâne et aussi de la bouche du jeune homme. L'image exsude le silence. Livres et papiers sont parole figée, fermée. Le lieu n'a pas d'échappée sur le dehors, il confine l'espace. La tenture coupe les lignes de fuite de l'angle de la pièce. C'est l'image d'un silence ultime comme destination privilégiée de la peinture en tant qu'elle assume pour l'intensifier le silence de l'image. "Il fait entendre son manque de parole". Il n'y a rien à dire, tout a déjà été dit comme on le voit à la page du livre corné sous le crâne. On ne voit aucune écriture. Inutile d'écrire car on connait déjà ce qui a pu être dit. Les mots sont déjà là sur d'anciennes peintures de vanité. Cézanne récite cette tradition. En général, Cézanne montre des crânes, mais sans personnage. Echo de toutes les Vanités de l'histoire de la peinture. Cet écho est prononcé plutôt qu'écrit. "Vanitas vanitatum" (Vanité des Vanités), c'est un avertissement, un appel, un rappel. Cette voix est en train de se perdre en se répétant. Elle est la récitation tardive d'un genre dépassé. C'est une peinture des peintures de vanités. Y résonne aussi "Quelle vanité que la peinture!", la phrase de Pascal. Le costume moderne du jeune homme rend cette récitation manifeste : nous ne sommes plus à l'époque des Vanités. Il contraste avec l'archaïsme de l'installation du crâne et des livres. Ce n'est pas un jeune aristocrate, c'est un paysan, un villageois (peut-être Paul, le fils de Cézanne, mais il n'y a pas d'indice probant). Cette peinture donne à voir sa propre installation destinée à rendre visible la citation d'une scène classique de la peinture. Evocation qui est un nouvel élément de résonance. Il ne manque que la voix du peintre disant "Voici la peinture, ce qu'elle fut et ce qu'elle n'est plus, comment elle est l'écho d'elle-même, comme elle retentit pour nous". Ce manque de voix résonne comme une voix silencieuse. La tenture est délibérément montrée comme accrochée pour les besoins de l'installation. Elle aussi récite le voile ou la draperie qui orne souvent le fond du tableau classique. On peut évoquer Vermeer (dont certaines tentures ressemblent à celle-là). Cette tenture ouvre et ferme la toile. Elle élimine l'arrière-fond pour porter en avant l'espace de la présentation. Elle rend le fond sensible en tant que fond, fond de la peinture, fond de l'affaire de la peinture. Montrer le fond comme fond, c'est le creuser, le replier. La toile entre en résonance avec elle-même. La draperie avec ses motifs fleuraux est aussi un rappel de la peinture. Question muette : "Où en est la peinture? Où en suis-je avec la peinture". Citation d'une scène classique et image pour soi. Les teintes du mur reviennent au premier plan sur la jambe du jeune homme. Résonance qui répète la résonance à l'histoire de la peinture. Répétition d'un geste unique, plus vieux, plus jeune que toute peinture définie. L'image met le fond en résonance, inlassablement, et pour cela se met elle-même en résonance avec son histoire de peinture. C'est dit, et ce n'est pas dit : Silence de la mort, des livres et du jeune homme (et aussi du peintre). Si nous écoutons ce silence, comme nous y invite l'oreille du jeune homme tournée vers nous à la place du regard, nous pouvons percevoir ce qui résonne. Notre oeil commence à entendre. Pas seulement la morsure de la mâchoire du crâne. Ce qui résonne ainsi n'est pas autre chose que la peinture elle-même. Les formes mobilisant le plaisir désirant d'un fond dont la consistance est le bruissement de l'image.

Jeune homme à la tête de mort (Cézanne, 1895 ou 1896).

 

 

A propos d'un autre tableau de la même époque, Jeune homme triste au gilet rouge, Meyer Schapiro évoque la sonorité des couleurs (gilet rouge éclatant). Ici, la sonorité est plus sourde mais n'en est pas moins audible. La toile s'ordonne dans un bruissement de tissu froissé. "L'inquiétude métaphysique tombe dans ce tableau comme les plis de la draperie" a dit Breton. Le silence de la toile affleure dans ce frottement de tissu. La résonance de cette image n'est pas plus sonore que visuelle, mais l'âme et la couleur sont froissés ensemble. Frottement d'un sens contre l'autre. Mêlée du sonore dans le visible, comme le mycelium du désir du rêve. Montée de l'image dans sa propre résonance, vers plus de désir au corps. On ne peut s'arrêter au visuel pas plus qu'à l'auditif. L'un rythme l'autre. Pour Freud, l'ombilic se perd dans la voix d'une naissance tortueuse. Le fil d'Ariane conduit vers le monstre au fond du labyrinthe (le fond ténébreux du désir lui-même, conatus puissant). Tout ici retentit d'astre en astre. Il remplace le silence ordinaire par un silence à part, à l'écart, où c'est l'autre qui s'annonce en se taisant. Se taire n'est pas un manque de parole, mais un surcroît de parole résonant hors de la parole. La battue vocale tient lieu de ce qui n'a pas de lieu. Minotaure - Ariane = le monstre dans l'image. La mimesis a son ventre ou sa gorge dans la methexis.

 


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zi.1896.Cézanne.Paul

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