Comme le remarque Jacques Derrida, il y a du sans-voix dans cette peinture-là. Le poisson - symbole du Christ, et aussi du mutisme (et aussi de Jacques Derrida lui-même) - est accroché par la gueule. Il va bientôt rendre son dernier souffle. Il y a du texte autour de lui, mais le corps tronqué résiste (car le poisson, symbole phallique, a un corps, il est un corps, quoique surchargé de texte), il y a aussi du langage et quelques signatures, mais tout ça résiste à la compréhension, tout ça ne tient pas dans le discours. Qui tient quoi au bout de cette ligne? Derrida répond : c'est moi qui le tient, sans autorisation de l'auteur (Adami, ou Jean Genet), et c'est moi qui ai baptisé ce poisson Ich. Et d'ailleurs ne suis-je pas le poisson? Qui, moi? Moi, Adami, celui qui parle à gauche et qui dit "L'angle est toujours pour moi un bord de tombe. Et j'entends ce mot "angle", son GL". GL est la syllabe préférée de Jacques Derrida dans Glas. On la trouve dans le premier vers publié du futur philosophe : Glu à l'étang lait de ma mort noyée. Et le même Jacques Derrida (à droite) de répondre : "Au fond de ma gorge, comme ce qui à la fois me coupe et me souffle tout le reste". Peut-on articuler ces éclats?

L'image est divisée au moins trois fois : verticalement par une ligne oblique, horizontalement par une spirale de cahier, et ontologiquement par une voix triplement hétérogène (Adami, Derrida, le poisson). Le poisson crève. En même temps, le Ich crève et le langage et le tableau.