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TABLE des MATIERES : |
NIVEAUX DE SENS : | ||||||||||||||||
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L'espace de dissémination | L'espace de dissémination | ||||||||||||||||
Sources (*) : | Sur l'art contemporain | Sur l'art contemporain | |||||||||||||||
Karen Deryiceu - "Ça hurle dans l'art!", Ed : Galgal, 2007, Page créée le 28 avril 1996 | Sur l'artCri | Hurlements dans la perspective! |
Sur l'artCri | ||||||||||||||
CinéAnalyse : en hurlant l'indicible, l'inaudible | CinéAnalyse : en hurlant l'indicible, l'inaudible | ||||||||||||||||
CinéAnalyse : En ajoutant encore à ce qui se dissémine | CinéAnalyse : En ajoutant encore à ce qui se dissémine | ||||||||||||||||
L'espace vocal | L'espace vocal | ||||||||||||||||
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La question de la perspective, posée comme telle, a-t-elle encore un sens? Ou bien, tenant compte de linfinie variété des formes dart actuelles, faut-il y renoncer, purement et simplement? Existe-t-il encore un paradigme de la perspective, ou bien faut-il admettre que cette notion, née historiquement à un certain moment, ne vaut plus que dans certains domaines ou certaines techniques bien définis, sa fonction générale dhorizon visuel étant définitivement perdue? Le débat est largement ouvert depuis plusieurs décennies, et nest pas près de se conclure. Pour ma part, jénonce : Ça hurle dans la perspective. Cela signifie que, dune part, je réponds oui à cette grave question. Oui, la question de la perspective a encore un sens. Que secondement, je soutiens que cela vaut encore la peine de la poser. Et en outre que troisièmement, je crois quil y a encore de la perspective, ce qui ne découle pas nécessairement des deux premières réponses. Mais sagit-il encore de la même chose ou bien dautre chose? Doit-on parler d'une autre perspective, ou bien, plus radicalement, de quelque chose qui nentre pas dans la même catégorie, dune perspective autre? Là, cest plus complexe. Afin de my retrouver, jai pris lhabitude dutiliser un autre vocabulaire (ce qui nanticipe pas nécessairement sur la conclusion). Je raisonne comme si, à la place de la perspective traditionnelle (classique, centrale, géométrique, appelez-la comme vous voulez), il ny aurait pas rien, il ny aurait pas seulement lanarchie ou la juxtaposition de logiques diverses, il y aurait une autre logique qui fonctionnerait cependant comme une perspective, et cette autre logique, je lappelle lespace vocal. Panofsky décrit la perspective comme une sorte dextraction. Tout se passe comme si on retirait de lespace un point, le point subjectif (appelé aussi point de vue, ou oeil). A partir de ce retrait, notre espace vécu (concret, charnel) est défait de ce point subjectif, il peut devenir objectif, neutre, transparent, pur. Cette transparence se propage à la surface du tableau qui prend la forme dune fenêtre ouverte sur le monde. Tel est le paradigme qui est à la base de la perspective classique : un point dit de fuite par lequel est évacué le concret du monde. Or aujourdhui, le point a perdu sa pureté; il est devenu impur, voire inqualifiable. Et en outre, ce qui est plus grave, il a diffusé sa propre impureté dans lespace. Donc le concret revient, mais pas de manière claire et tranchée : on ne peut même plus le distinguer de labstrait. Cest un changement historique, disais-je. Pourtant, il ne sest pas produit dans lhistoire : il sest produit dans le discours. Personne ne la décidé. Il est intervenu comme ça, par la force des choses, entre 1890 et 1910. Il nest pas arrivé dun seul coup. Sa semence travaillait déjà le discours bien avant 1900 (je nose dire : dès les origines de la modernité), bien avant la mutation incroyable quil a commis dans lart et aussi dans dautres domaines beaucoup plus lourds de conséquences mais moins visibles. Depuis très longtemps le ver était dans le fruit, sans quoi le changement ne se serait pas produit dune aussi massive et universelle façon. Quelque chose a fait irruption, cela ne fait aucun doute, mais quoi? Voici, dans la peinture, un exemple choisi parmi des cas innombrables : le tableau de Weisbuch daté de 1985, intitulé : "L'impossible Concert". Si lon compare avec la perspective de Panofsky, on observe que, dune part, le sujet a réintégré la toile, mais que, dautre part, comme il nen est plus exclu, il ne peut plus en être le centre. Exclu de sa position traditionnelle de point central du tableau, le sujet est bouleversé, patagé, flottant. Il na pas disparu, il est présent, très présent, mais cette présence insistante nest plus vraiment la sienne, disons quil sen retire, il est dans le processus de sen retirer pendant que nous regardons, et nous, nous en sommes nécessairement affectés. Du coup la surface nest plus neutre, quelque chose détranger et deffrayant y habite, et ce quelque chose ny est pas confiné, il en échappe, il en réchappe, il surgit dans notre monde réel, comme un alien. Quest-ce qui est venu dans la toile, quel est ce facteur étrange innommé que je ne désigne sous le nom de : hurlement, que par défaut? Je soutiens ceci : cest la voix humaine, cette voix qui avait été exclue de lécrit comme de limage par la tradition classique, cette voix revient spectaculairement. Exprimé autrement : lespace est devenu vocal. Dautres que moi sont effarés par ce retour. Prenez le peintre Francis Bacon. Sil navait partagé cette terreur, pourquoi aurait-il travaillé comme il la fait le tableau de Velasquez, "Portait du pape Innocent IX", pour en tirer ces "Têtes" monstrueuses? Prenons un autre exemple : celui de lintroduction du cinéma parlant. Cette introduction na pas été facile. Il y a eu des résistances, des réticences, des regrets, et lusuel conservatisme de tous les milieux (producteurs, techniciens, distributeurs et spectateurs) ne suffit pas à expliquer le phénomène. Dune certaine façon, faire parler le cinéma, cétait introduire la voix dans limage, et le premier film parlant, "Le Chanteur de Jazz" (sorti en 1927) a dû assumer la lourdeur de la tâche. Ce qui sintroduit dans lespace et qui na pas encore sa place, ce hurlement, na pas de valeur en lui-même. Il nest quun vecteur, un moyen. On ne sait pas ce quil est; rien ne prouve quil ne soit quun cri. La seule certitude que nous expérimentions, en tant que regardeurs, est quil est un facteur de corruption, et lirruption dun tel facteur en annonce dautres. En ce sens, le cri est une annonciation. Le hurlement napporte aucune information. Sil désigne un point de vérité, il ne fournit aucune indication sur son contenu. Il est comme un rêve dont on ne se rappelle quune vague présence, cest-à-dire presque rien. Il y avait du vrai, dautant plus de vrai que je lai oublié, mais je nai absolument aucune indication sur ce vrai, et je suis désespéré. Il ne men reste que la sensation. Le mot est lâché : sensation. Admettons que nous vivions dans le monde des sens. Daccord. Mais quest-ce que ça veut dire? Il faut se méfier des mots, et celui-ci, précisément, la sensation, ne simplifie pas notre problème. Au contraire! Il fut peut-être un temps où les sensations étaient situables, localisables, comme une couleur, une odeur ou un son. Peut-être. Mais aujourdhui, le plaisir naïf de limpressionnisme sest abîmé dans la mer. Désormais, sentir est une douleur. Sentir est partout, mais le point où sentir se localise est insaisissable. Tout se passe comme si les limites auxquelles la sensation était astreinte avaient été levées. Elle peut tout envahir, même si ça nest pas encore le cas, même si ça nest pas une obligation, même si le souci académique ou esthétique conduit encore à préférer, par exemple, la déformation savante ou la tonalité subtile des couleurs. Or, une sensation qui sapproprie tout lespace est vibrante. Elle est vécue dabord comme audition. Lextension de la sensibilité entraîne un changement radical dans la perception de lespace. On ne peut pas découvrir ce changement par raisonnement logique, ni par le biais dune axiomatique ou dune axologie de la sensation. Cest un état de fait, une situation quil est à portée de chacun de constater. Toutes les sensations doivent trouver un rythme compatible avec la sensation auditive, et finalement sy soumettre. Voilà où nous en sommes. On trouve une infinité dillustrations de ce phénomène parmi les Symbolistes, ces artistes du tournant du siècle qui ont vécu en leur for intérieur lémergence de lespace vocal. Exemple : "Fatalité", de Jan Toorop. La globalisation sensitive du début du siècle a pour pendant une autre globalisation caractéristique, celle-là, de la fin du siècle : celle du monde écologique, économique et politique. La perception du monde étant devenue globale, le monde lui-même sest globalisé. Etrange suivisme de la réalité par rapport à la psychologie. Ne nous laissons pas leurrer par lillusion dharmonie. Il ne sagit pas dune musique, mais dun cri. Dès 1905, lexpressionnisme allemand nous jetait à la gueule ses contrastes et ses corps violents, qui étaient sa lumière. Cétait et cest encore un art illuminé par un cri douloureux. Le veau dor dEmil Nolde (pas encore nazi) dans sa Danse autour du Veau dOr (1910) en témoigne. Les choses vont encore plus loin. On en arrive au point où la pensée na pas dautre statut que celui dune sensation. De grands écrivains comme Artaud lont su dans le temps où des peintres le montraient. Une immédiateté de pensée sinscrit dans lespace, un cri-de-pensée. Cest pour ça quil ny a plus de récit, plus dhistoire ni dallégorie. Il ne peut plus y en avoir. Il ny a quun bain de pensée dans lequel lintuition napporte aucune certitude : une occasion de pensée, un hasard de pensée quon vit au jour le jour, une chair de pensée, comme celle dans laquelle nous entraîne Antonin Artaud dans ses "Douze Voyages". Ainsi se constitue, au coeur de lespace vocal, une nouvelle perspective que jappelle perspective immédiate. Une des singularités de cette perspective est quen son point central loge à la fois un excès de sensation (esthésie) et une perte totale de sensation (anesthésie). Sans cette particularité, on ne comprendrait pas que lart contemporain sexprime aussi bien par la performance charnelle (les arts de la perturbation) que par labstraction la plus sèche. Il ny a pas de contradiction entre ces deux aspects dune filière unique. Lindifférence du monde actuel se pose précisément à lendroit où la sensation est insupportable. Cest un paradoxe avec lequel il faut vivre, mais comme il est impossible de vivre avec lui, on hurle.Ces phénomènes et quelques autres finissent par converger en un point : langoisse. Cela, évidemment, ne concerne pas que lart. Langoisse est partout. Je ne lévoque ici que sous langle qui mintéresse, que je privilégie pour les besoins de la cause. A lintérieur de la représentation, les règles les plus simples quune tradition séculaire avait retenues sont impitoyablement forcloses. Si daventure certaines traces de la perspective classique ont été laissées quelque part, on fait en sorte quelles soient brouillées. Ce nest pas un choix, cest un impératif. Il faut que soit brouillée la référence au sujet qui justifiait les règles anciennes. Le symbole étant passé de mode, lartiste est dans lobligation dinscrire dune façon ou dune autre laffect ou la perturbation au centre de son oeuvre. Ce brouillage (qui à lorigine était une défaillance, un dysfonctionnement, et qui dailleurs lest toujours) est devenu un point de repère aussi important que ceux du passé, sans lequel lart serait incompréhensible ou ne serait plus interprété comme art. Le résultat est le suivant : une terrible angoisse sinscrit au centre de la perspective. Sous lémotion, sous laffect, sous la perturbation, sous limmédiateté, sous le point-zéro, sous le formalisme, sous tout cela et sous dautres choses innommées, gît langoisse, comme un vampire bien vivant. Et ce nest pas un défaut : cest un axe, une voie, une sorte de flux de circulation balisé dont il est interdit de sécarter. Ne mégottons pas. Limage la plus adéquate à notre objet est celle dEdvard Munch, "Angoisse "(1896). Tout cela naurait pas dexistence si des mécanismes puissants ne sappuyaient en permanence sur une machinerie efficace. Je ne surprendrai personne en disant que la télévision a été la première et la principale incarnation de cette machine infernale et merveilleuse qui met en équivalence spatiale et temporelle tous les points du monde (elle la été et lest peut-être encore, mais pour un temps plutôt court car toute lélectronique vient derrière). Grâce à cette machine, la circonférence est partout et le centre du monde lécran où je le vois (tandis que moi, bien entendu, je ne suis nulle part). La perspective qui en résulte est précisément celle de lespace vocal. Les points de fuite, de vue et de distance se dissolvent dans l'écran télévisuel, ce qui dispense de toute nécessité dun point fixe. Ou plus exactement : cest la voix du présentateur qui remplit la fonction du point fixe. Comme aucun autre point ne peut faire concurrence à cette voix (sauf peut-être le regard du même présentateur, mais ce regard na pas le poids suffisant pour empêcher leffet dévastateur de la voix), il se produit une dissémination radicale de tout repère sur lécran. On pourrait dire quil ne reste de cette opération quun seul angle de vue sur le monde. Mais ce nest même pas vrai, car pour quil y ait un angle, il faudrait quil y ait un sujet. Or il ny a ni lun ni lautre. Il ny a quune infinités de voyants absorbant tous la même potion visuelle, quelque chose comme une vision visuelle du monde, lequel monde ne serait plus vu à partir daucun point de vue. Et cela a le plus étroit rapport avec la forme visuelle entretenue par lart, que celui-ci le veuille ou non. Le tableau de Philippe Hurteau intitulé "Télévision, daté de 1996, illustre éloquemment la qualité de cet espace. Cette machine, minuscule portion dune grande chaîne, hurle lordre de jouir. Or ce nest pas linjonction (devenu banale depuis Sade) qui compte ici, cest le hurlement, ce bêlement si grossier dans le salon (surtout quand il accompagne les pubs) que nous ne le percevons désormais que comme lobligation involontaire de ne plus laisser place à aucune autre voix. Si un tel cri ne rendait en même temps toute culpabilité illégitime, il serait la pire des tortures quon puisse infliger à un être humain. La lithographie dAllen Jones Out of Zeit (1983) nous fait ressentir la force irrésistible de cette voix. La voix étant invisible et non représentable, elle fonctionne dans limage comme un trou. Le trou sappuie (si jose dire) sur le point central esthésique. Mais un trou nest pas un point : un trou est une défaillance absolue de la vision. Au coeur de lespace vocal, sous le point dangoisse qui loriente, il y a quelque chose qui ne sinscrit pas dans le discours. Cette chose na ni forme ni bord, elle est ce qui est le moins apte à servir de fondement à la forme visuelle. Et pourtant. Le Dada Cino de Raoul Hausmann (v. 1920-21) montre les lettres, les personnages, les objets, les machines et finalement toute la société sextraire dune gueule ouverte et informe, qui est dada. Le résultat est ce que nous vivons tous les jours. Il ny plus de sujet, et pourtant lespace est subjectif, aussi étrange que paraisse cette perspective vocale. Elle vide lespace de tout point subjectif mais y fait passer les fractures, courbures, ruptures et déliaisons qui nous divisent. Il en est ainsi parce que la voix sy prête, littéralement. La voix est lobjet intermittent par excellence, lobjet qui transmet les écarts (phonèmes) et na pas dautre fonction. Elle ne peut exister (destin tragique) quen se séparant du corps et du sujet qui la porte. Sa nature fait entendre la division; et quand elle devient image (ce qui, comme je lexplique, caractérise notre société), elle ne perd pas cette propriété, bien au contraire, elle contribue à lextension indéfinie de cette propriété, une extension qui pourrait intégrer le cosmos tout entier, si nous ny prenions garde. Ce nest pas un hasard si de nombreux peintres actuels représentent un personnage en train de crier. Un des plus impressionnants est le "Lady Banquo" de Tony Scherman (1995). On ne peut pas dire que cet espace manque de point de fuite, au contraire! Mais la nature en est assez particulière : un point de brouillage et de confusion, un point qui compromet, par structure, la fonction de re-père. Ce point senfuit, et avec lui laxe de limage, et avec elle tout ce qui reste du sujet. Une structure que l'on ne trouve pas que dans l'art, mais aussi dans la publicité. Etonnez-vous que le simple amateur dart sy perde! Tout le monde sy perd, et le grand spécialiste encore plus sûrement que les autres, car non seulement il sy perd, mais il y chute. Or, dans cette chute, la sensation séprouve comme vivante. Cest peut-être cela qui nous y attire (et qui effraie le spécialiste). Le cri est une façon déchapper à lenfermement. Cest un trou par lequel on se retire dun espace clos, le début dune délivrance, le point de faiblesse au fond du tube doù lon peut sextraire de lécran. Cest la fuite en avant, en arrière et par les quatre côtés à la fois. Finalement la voix fait son grand retour. Bienheureuse revanche des sociétés orales! Mais nulle nest parfaite. La voix ne revient pas où lon lattendait, puisque la voici dans limage. Elle ne revient pas non plus intacte; puisquelle se montre désormais marquée par lécrit cest-à-dire, en termes modernes, disséminée. Avec la dissémination, quelque chose ne revient pas, ce qui ne veut pas dire que cette chose soit totalement perdue. Dispersés, les points subjectifs se soustraient à tout contrôle. Cest un chaos, mais un chaos qui nous désigne à de multiples reprises et qui compense, par son pullulement, la désagrégation du sujet. On y trouve une autre fonction de lespace vocal, qui est de récupérer les restes de la diffraction. Dans cet espace se concentrent les puissances fécondes de la voix. Le cri (qui lui est autant extérieur quintérieur) est un appel, une attente, un espoir. J'illustre cela par un tableau de Claudie Huntzinger intitulé "Semina" (1991). Lespace vocal est le produit inachevé dune gestation infiniment longue. Ses origines se perdent dans la nuit des temps. Dès les débuts de la modernité, il était là, mais la perspective centrale le masquait de sa trop rigoureuse logique. Encore aujourdhui, cette logique est présente, mais lespace vocal la supplémente de ses multiples tensions, allant jusquà faire croire aux naïfs quelle nexiste plus (on ne se débarrasse pas aussi facilement de la géométrie). Il existe un courant de peinture qui na jamais été désigné comme tel car il ne correspond à aucune école, aucune région géographique, aucune style particulier, et pas même à une filiation quelconque. Ce courant sexprime par ses oeuvres plus que par ses auteurs. Afin de situer les choses, disons quil aurait été lancé par Edvard Munch, quun de ses plus grands exécutants serait Francis Bacon, que certains de ses peintres les plus originaux seraient par exemple Victor Brauner et Vladimir Velickovic, que les délires de Filippo Marinetti et autres mots en liberté pourraient sy inscrire, et que dautres artistes éclectiques sy rattacheraient, comme par exemple Paul Rebeyrolle ou Francisco Clemente. Ce courant sappelerait lartCri, en un seul mot, avec une majuscule en plein milieu du mot. Appuyons-nous sur deux oeuvres de Francis Bacon. La première est le panneau central du triptyque de 1979, Studies from the human body. La seconde oeuvre sappelle Study of man talking. Ces deux oeuvres présentent un point commun : Francis Bacon a tracé un cercle autour du genou de chacun des personnages. A quoi sert ce cercle? A désigner une autre zone du corps qui ne serait pas totalement choisie au hasard, puisque cest la même dans les deux oeuvres, mais qui naurait aucune autre situation logique que de dire : il y a quelque part un point de fuite qui nest pas le cri. Quel est ce point de fuite? Cest lenvers de lartCri. Autour de ce courant, en amont, en aval, à tribord et à babord, des branches collatérales auraient poussé. Il y aurait, par exemple, la UrSonate de Kurt Schwitters ou les collages de Raoul Haussmann, des compositions subtiles dAllen Jones ou des bouches écarlates de Tom Wesselman, des chefs doeuvre dharmonie comme ceux de Paul Klee et des dissonances somptuaires comme celles qui sont fabriquées par Georg Baselitz. La liste est éclectique, et le point dunité de ces oeuvres ne se situe ni dans un style ni dans une époque, mais dans lartCri. LartCri nest pas isolé, il nest pas marginal, au contraire, cest une des branches maîtresses de lart moderne (ce nest pas la seule, bien entendu, car nous parlons dune forêt). Il y a au moins quelques autres branches, et en plus un vaste tronc qui surplombe nos mégapoles de sa haute stature et que jappelle lartChose. A partir de lui (en après-coup comme on dit), certains évènements de lart moderne comme la guitare commune de Braque et de Picasso, ou bien la passion vibratoire de Kandinsky, pourraient prendre un nouveau sens. En quelques années du début de ce siècle, la construction classique a été mise à bas. En 1932, Panofsky ne pût que constater les dégâts : le mal était fait. Comment expliquer ce processus extraordinairement rapide à léchelle des représentations humaines? Que sest-il passé? A partir de la notion de lartCri (non comme pathologie, mais comme évolution normale de lart actuel), un nouveau diagnostic peut être établi (qui ne conduira, rassurez-vous, à aucune thérapeutique). Je reviens à mon interrogation de départ. La question de la perspective a-t-elle encore un sens? Oui, en tant que question, en tant que question tragique et sanglante. Mais linterrogation ne conduit à aucune réponse standard. Il y a beaucoup de zones inconnues dans linfinie prolifération des manifestations de la voix (dont certaines seront explorées par le prochain siècle, on peut le prophétiser sans trop de risques). Comme laffirmaient déjà les futuristes, le point de fuite est repoussé dans lavenir. Mais contrairement à ce quils pensaient (et qui les a malencontreusement conduits vers le fascisme), ce point peut être dit. Il y a encore place pour le dire. D'ailleurs, dans "La tragédie" de 1897/88, Gustav Klimt le dit.
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Karen MQiEDiss RW.KKK ArtCtpDH.CRI ArtCriPE.RSE VoixCriUP.LUO MQiDissemencesWH.SSM MQiEVocalFH.LFH Q.hurlements Rang = PGenre = Pfem - |
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