1. Il n'est d'oeuvre qu'idiomatique.
Toute oeuvre peut être lue à partir des catégories usuelles de l'histoire de l'art (style, école, époque, auteur, technique employée, influences, etc...). Sous l'angle de la connaissance ou du savoir, ces catégories sont légitimes, mais sous l'angle de l'oeuvre elle-même, elles fonctionnent comme une mise au tombeau. En effet, en quoi une oeuvre se singularise-t-elle comme oeuvre? Certainement pas à travers ces catégories générales. Chaque oeuvre est imprévisible. Elle a ses sources uniques et ses effets singuliers. C'est une monade, un idiome, un monologue.
Le paradoxe de l'oeuvre, c'est que d'un côté, aucune loi ne la détermine, mais que d'un autre côté, il faut qu'elle se rapporte à la loi. Pour tel spectateur, celle-ci fait symptôme; pour tel autre, celle-là fonctionne comme une mémoire qui l'engage, etc... Chaque fois, l'oeuvre échappe au flot. Chacune exige, solennellement, d'être jugée selon ses propres termes; chacune affirme un sens unique, issu d'elle. C'est elle, l'oeuvre, le sujet véritable de l'art, et non l'artiste (ni d'ailleurs le spectateur) - car il n'est pas de réception possible sans le monde qu'elle institue. On ne peut lui assigner aucune cause déterminée, ni dans le champ social, ni dans l'histoire de l'art.
2. A l'écart de l'art.
Sans entrer dans aucune chaîne de causalité, l'oeuvre impose un nouveau réel. Elle ne représente rien, pas même l'être, elle l'explose. Ce qui nous éblouit en elle est une obscurité, un non-savoir - [c'est à ce titre qu'elle a sa place dans l'Orloeuvre].
Si l'art n'existe que par les oeuvres, celles-ci peuvent exister à l'écart de l'art. Parfois elles le présentent, mais parfois aussi elles le dérobent.
Il faut tout faire pour sauver, dans l'oeuvre, dans la langue mais aussi dans l'image, ce qui la rend unique, singulière et intraduisible.
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