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TABLE des MATIERES : |
NIVEAUX DE SENS : | ||||||||||||||||
Derrida, singularité(s) | Derrida, singularité(s) | ||||||||||||||||
Sources (*) : | La pensée derridienne : ce qui s'en restitue | La pensée derridienne : ce qui s'en restitue | |||||||||||||||
Pierre Delain - "Les mots de Jacques Derrida", Ed : Guilgal, 2004-2017, Page créée le 2 avril 2013 | L'oeuvre, une seule fois | [Derrida, singularité(s)] |
L'oeuvre, une seule fois | Autres renvois : | |||||||||||||
Derrida, le secret |
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Derrida, l'événement |
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Derrida, une fois, une seule |
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Derrida, un seul instant |
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1. Singularité et déconstruction. L'éthique de la déconstruction - qui n'est pas une éthique courante, mais une éthique d'avant ou d'après l'éthique, une archi-éthique, une trans-éthique ou une ultra-éthique, c'est qu'il faut toujours s'adresser, en premier lieu, à la singularité de l'autre. Cela vaut pour la justice, le don, le pardon, l'hospitalité, l'amitié, etc... Tout ce qui engage, d'une façon ou une autre, la déconstruction, s'inscrit dans une expérience faite d'événements singuliers, une pensée de la singularité. Si cet engagement était calculé, s'il n'arrivait pas de façon inopinée, inappropriable, inanticipable, alors ce ne serait plus de la déconstruction, mais une simple construction théorique (logocentrique, métaphysique). Cette expérience, généralement impossible, arrive comme singularité. Si la déconstruction a lieu, ce ne peut être que dans tel idiome, à telle date, dans tel contexte, etc..., et l'idiome en question, de même que la date, restera toujours comme un schibboleth : irréductible au concept et au savoir. Le contexte ne sera jamais connu, il restera insaturable. Ces idiomes singuliers, ces dates particulières et uniques, sont la chose même de la différance.
2. La singularité perdue. Dès ses premiers textes, Jacques Derrida choisit des mots qui soulignent l'événement unique : la trace, la marque, l'archi-écriture, la nomination. Cette unicité ne va pas de soi. Elle est dangereuse, risquée. Pour introduire son dernier séminaire, il proposera la phrase "Je suis seul(e)", en la rapprochant d'une autre phrase : "Il y a du sans-monde". La solitude est associée à l'effacement ou l'absence du monde. Avant même le discours, dans le temps de l'archi-écriture, il faut que l'unique s'inscrive dans un ensemble. Par un geste violent, un frayage, le propre est perdu, effacé, oblitéré. Une expérience articule à même le corps les événements uniques, devenus des traumas. La destinerrance d'une phrase, c'est qu'elle peut être réitérée et s'adresser à plus d'un, qui pourra ou non l'entendre, la lire. Mais chaque phrase, chaque fois, s'adresse aussi à un seul. Freud a cherché à ressusciter la trace originelle, unique, qui serait restée vivante dans l'inconscient, comme une parcelle de vérité. Mais cette trace, selon Derrida, n'est jamais présente : ce n'est qu'un résidu idiomatique, irréductible et intraduisible, un reste dont il ne revient après-coup que des dérivés, dans la bouche d'un témoin seul, irremplaçable. Croire en la possibilité de son retour, comme l'a fait Freud, c'est rejouer l'antique structure du "déjà-pas-encore" où la promesse d'une vérité métaphysique se substitue à la singularité perdue. Avec les arts d'aujourd'hui (photographie, cinéma), structurellement destinés à être reproduits, la question de l'"original" se pose en des termes nouveaux qui bouleversent la valeur religieuse, rituelle et culturelle usuellement accordée à l'œuvre supposée authentique, irremplaçable. En l'absence d'original, la reproduction ne se présente plus comme mimesis, mais comme spectralité [ou traduction].
3. Il faut du singulier, de l'irremplaçable. Qu'y a-t-il d'unique, d'irremplaçable? La naissance et la mort. Pour nommer l'"irremplaçable même de la singularité absolue", Jacques Derrida privilégie un syntagme : ma mort. Ma mort est irremplaçable, puisque nul ne peut mourir à ma place. Mais il y a plus : alors que ma naissance ou ma vie sont uniques, et seulement uniques, la phrase Je suis mort est irréductiblement aporétique. Je peux dire sans contradiction Je suis né ou Je vis, mais je ne peux pas dire : Je suis mort. Ce qui intéresse Derrida est le paradoxe d'une phrase standard qui nomme l'irremplaçabilité absolue - car là où nous vivons, ce n'est pas dans la vie en général, c'est dans cette tension paradoxale. Depuis le départ, par l'inscription de la trace, par la nomination, Je suis mort. On ne peut dissocier la singularité de cette tension aportétique. Autres cas : - exemplarité. Un exemple n'est convainquant que si, d'une part, il en appelle à l'universel, et d'autre part, il répond de cet universel par une singularité absolue. - le poème. Il a été écrit à une certaine date, qui est son nom; s'il survit [s'il est lu, interprété, cité], c'est en anneau, en se répétant autour de cette date unique. Dans la poésie d'aujourd'hui, cette date tend à s'inscrire en toute clarté, mais elle reste insaturable, indescriptible. Elle est comme un spectre avec lequel on ne peut pas s'entretenir. On peut le nommer, voire s'adresser à lui, mais il n'existe pas. On ne peut pas entendre sa voix. - l'université : un corps enseignant (anonyme) ne peut transmettre qu'un savoir académique (logocentrique ou phallocentrique). Pour qu'une pensée nouvelle fasse irruption, il faut un héritage (ni anonyme, ni universel), un corps singulier, un "je". C'est, aujourd'hui, le lieu du philosophe.
4. Singularité de l'autre et inconditionnalités. Il n'existe aucune règle pré-établie qui permette de décider ce qui est juste ou injuste. Privilégier la justice, ce n'est pas appliquer une loi générale ou universelle, c'est inventer, chaque fois, pour chaque situation, une autre règle, unique, qu'aucune généralité, aucune condition extérieure, ne vient justifier. (Il y faut, parfois, du génie). Si celui (ou ce) qui entre en rapport avec l'autre n'est pas un élément d'un ensemble, une pièce dans une généalogie, un membre d'une famille, mais un "je singulier", alors son devoir n'est pas gouverné par le serment qui le lie au groupe, mais par son rapport avec cet autre absolu, unique. Chaque fois que je suis confronté à l'autre, tout autre est tout autre. Je dois tenir compte de cette singularité-là, ce qui m'oblige à sacrifier tous les autres. Les singularités se rencontrent sur le mode de l'obligation inconditionnelle, du devoir. Chaque fois, c'est une alliance unique, du type de celles qui interviennent dans l'amitié. Les amitiés sont rares. Elles ne peuvent advenir qu'entre un petit nombre de singularités incalculables, dans le respect d'une distance, d'une égalité, d'un rapport à l'autre qui suppose secret, responsabilité et prise en compte du tiers. Il n'est pas d'amitié sans loi (un devoir humain inconditionné, universel, pour reprendre les mots de Kant). Pour qu'il y ait pardon, il faut d'abord un face-à-face entre des personnes qui ne peuvent pas s'entendre. Seule la victime, même morte, dans sa singularité absolue, peut pardonner. Aucun corps anonyme ne peut le faire à sa place, ni l'Etat, ni aucune institution.
5. Annihiler les singularités, c'est le mal radical. On ne peut penser un événement qui tend à abolir radicalement la singularité, comme la "solution finale", qu'à partir de ce que les nazis voulaient annihiler : la signature et le nom.
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-------------- Propositions -------------- -Une déconstruction conséquente est une pensée de la singularité, donc de l'événement -La singularité de l'événement, voilà la chose de la différance -Chaque événement de déconstruction est singulier, au plus près possible d'un idiome ou d'une signature -Penser l'unique dans le système, l'y inscrire, tel est le geste de l'archi-écriture -Avant tout discours, l'expérience de la marque articule dans la langue, à même le corps, les traumas singuliers et la structure désappropriante de la loi (re-marque) -La destinerrance d'une phrase, c'est qu'elle s'adresse chaque fois à un seul - mais il est impossible qu'elle ne s'adresse qu'à un seul, elle s'adresse à plus d'un -Freud voudrait ressusciter la trace originelle et unique, à l'instant même de son impression, à même le subjectile -Freud cherche à déchiffrer une "écriture originelle", mais ne trouve qu'un résidu idiomatique, irréductible, intraduisible, qui porte le poids de l'interprétation -La justice s'adresse toujours à des singularités, à la singularité de l'autre, malgré ou en raison même de sa prétention à l'universalité -Agir par devoir ou respect de la loi, c'est inventer chaque fois, pour chaque situation unique, la règle et l'exemple de la justice -Dans le rapport à la singularité de l'autre, il y a toujours de la responsabilité, du respect, du secret, et aussi le surgissement d'un tiers qui, en plus, porte l'universalité de la loi -Dès que j'entre en rapport avec l'autre absolu, unique, ma singularité entre en rapport avec la sienne sur le mode de l'obligation inconditionnelle, du devoir -Si "Tout autre est tout autre", chaque fois que je suis confronté à l'autre, de singularité absolue à singularité absolue, je sacrifie tous les autres -N'importe qui peut s'approprier le syntagme "ma mort", qui pourtant nomme l'irremplaçable même de la singularité absolue -Dans sa référence à soi, le travail du je commence par une énonciation impossible, un "Je suis mort" passé et aussi imminent, qui pointe depuis le futur -Il n'est d'héritage que singulier : un héritage ne peut être ni anonyme, ni universel -On ne peut s'adresser au spectre qu'en le nommant, par la voix, dans la singularité d'un lieu de parole ou d'un lien de filiation -Dans sa singularité, son unicité, l'exemplarité témoigne d'un appel de l'universel auquel elle prétend répondre -Dire "Je suis seul(e)", ou "Il y a du sans-monde", c'est prendre acte de la singularité / déconstructibilité de chaque monde, du monde de chacun -La date est le nom propre de l'événement singulier, capable de survivre -Dans l'anneau, l'unique s'allie avec lui-même comme autre, il répète son retour autour du même -Il arrive aujourd'hui à la poésie une expérience absolument nouvelle : la date reste en mémoire, singulièrement et en toute clarté -On ne peut partager ni prouver un secret : le témoin est seul, irremplaçable, nul ne peut témoigner pour lui -Ni l'Etat, ni aucune institution ne peut pardonner : seule une victime le peut -L'essence du pardon exige un face-à-face personnel qui n'engage que des singularités absolues -L'amitié suppose la rareté : par élection, affinité, proximité, familiarité ou choix, elle prend acte d'une préférence pour un petit nombre de singularités incalculables -Ami ou ennemi, c'est le même respect pour le nom, la même fidélité à la singularité irremplaçable -En faisant disparaître toute détermination d'un visage ou d'un "moi" qui dit "je", le corps enseignant (anonyme) efface le corps socio-politique qu'il représente -Toute institution philosophique digne de ce nom se caractérise par un contrat singulier et paradoxal : accorder la priorité aux frayages non légitimés -Avec la structure du "déjà-pas-encore", la singularité s'efface (déjà) pour que se dévoile ou se révèle la vérité métaphysique (pas encore) -Dans l'espace juridico-politique, le lieu du philosophe est prescrit par la possibilité secrète du secret - dont les conséquences sont incalculables -Il y va dans toutes les histoires de génie d'un aléa inéluctable, d'un coup de destin, d'une marque de contingence qui fait de chaque cas un cas -Au-delà du concept courant de l'éthique, il faut s'interroger, depuis une "ultra-éthique" qui pense la singularité irréductible de l'autre, sur son origine, sur l'éthicité de l'éthique -Les arts structurellement destinés à être reproduits (photographie, cinéma) détruisent la valeur religieuse, rituelle et culturelle, de l'oeuvre irremplaçable -Il n'est d'alliance que singulière et dissymétrique; il faut qu'elle reste secrète, on ne peut rien en partager, on ne peut partager que le rien -Il faut tenter de penser le nazisme depuis son autre : la possibilité de la singularité, de la signature et du nom |
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Création
: Guilgal |
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Idixa
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Derrida DerridaSingul AA.BBB DerridaCheminementsGC.SI.NGU ArchiOeuvreUniqueBG.LLK BS_DerridaSingul Rang = zQuoisDerridaSingulGenre = - |
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