Jamais transformation si profonde et si prompte n'a eu lieu en quelques années (Valéry écrit en 1932). Le monde est entièrement équipé, organisé, les nouvelles se répandent dans l'instant, mais il est impossible de discerner les lignes qui feront les événements de demain. La crise est partout. Le monde moderne est incapable de se faire ni une politique, ni une morale, ni un idéal, ni des lois en harmonie avec nos modes de vie. Nous vivons dans le chaos, nous le respirons, nous le fomentons, il est pour nous un véritable besoin. Il est notre oeuvre.

L'homme dont il est question dans les lois et l'action politique n'est plus celui qui résulte de la biologie ou de la psychologie. La responsabilité coexiste avec l'irresponsabilité, la foi avec l'athéisme. On trouve dans le même individu des croyances et des philosophies contradictoires. C'est l'essence même du moderne.

L'avenir n'est plus déductible du passé. C'est une grande nouveauté. Des espoirs illimités peuvent naître de réussites inouïes, des déceptions immenses peuvent faire suite à des pressentiments funestes. Nous ne pouvons que constater l'incertitude et l'anxiété actuelles.

La problématique de Valéry a été reprise par de nombreux penseurs qui le citent ou ne le citent pas. Exemple : la discordance des systèmes symboliques de Lacan.