Ce que Platon désigne par le nom de khôra dans le Timée (dans son idiome à lui, non universalisable) est un lieu d'extériorité absolue : le lieu abstrait de l'espacement. En ce lieu, le lieu même, une bifurcation se produit - entre les deux sources de la religion, qui toutes deux s'y rattachent. Il est à la source de la culture grecque et aussi des civilisations monothéistes, mais quelque chose en lui, une extériorité, y résiste.

Khora est sans âge, sans histoire, plus "ancien" que toutes les oppositions, impassible et hétérogène à toute révélation. Il n'est ni sanctifiable, ni humanisable, ni sacralisable. Sans foi ni loi, c'est un lieu d'une résistance infinie. Il ne peut se dire au présent car il ne présente jamais comme tel. Il n'est ni l'être, ni dieu. C'est un tout-autre sans visage, le lieu d'une restance infinie.

Encore de nos jours, en ce lieu limitrophe qui nous est donné en héritage, aux confins du désert, autour de concepts hégémoniques (droit, nationalité, subjectivité, souveraineté), une guerre de religion se déploie. Pour comprendre le déferlement "islamique" actuel, il ne faut pas se contenter d'explications internes, mais interroger ce lieu de passage.